La colère des ''perquisitionnés par erreur'' dans une cité des Mureaux
Par Raphaelle PICARD
LES MUREAUX (AFP) - Colère, humiliation et désir de vengeance: les habitants du quartier défavorisé des Musiciens aux Mureaux étaient nombreux mercredi à exprimer leur amertume après avoir été réveillés par une intervention policière à l'aube et vu leurs enfants "braqués".
Il était 6H00 pile lorsque des habitants du deuxième étage de la tour Bizet ont entendu le premier coup de bélier sur leur porte blindée.
La famille musulmane pratiquante de 15 personnes, réunie dans la salle à manger pour le traditionnel repas avant le lever du soleil, n'a pas eu le temps de réaliser. "Une vingtaine de policiers ont fait irruption dans l'appartement, ils nous ont fait tomber au sol, avec un coup de pied, mon frère et moi", raconte Adama, 17 ans, portant un hématome au visage après un "coup de matraque".
"Ils m'ont écrasé la tête par terre comme une merde", ajoute le jeune garçon. Il affirme que des policiers, dans la précipitation, ont également poussé sa mère par terre, lui ont renversé de l'huile chaude sur un pied et jeté à terre les aliments, tandis que les deux frères étaient menottés et les autres membres de la famille alignés dans le couloir, mains sur la tête. Adama confie son désir de "se venger".
Les yeux de Workya, une des filles de la famille, étincellent de colère. Son fils de deux ans et demi "s'est fait braquer un pistolet sur la tempe" dans sa chambre. La jeune femme de 27 ans n'a pas pu se rendre à son travail ce matin. Elle veut porter plainte. "Pour eux, on est juste une famille d'arabes et de noirs, ils nous considèrent comme des animaux", affirme-t-elle.
Après leur intervention musclée, les policiers, à la recherche de cinq personnes à la suite des échauffourées avec des jeunes, dimanche soir, dans le quartier, sont partis rapidement en disant "on s'est trompé", se dirigeant vers la porte voisine.
Même porte enfoncée. Même surprise, peur et indignation chez les "perquisitionnés par erreur". Une journaliste de l'AFP a constaté que l'appartement avait été "retourné", des meubles cassés, des vêtements jetés à terre, des étagères vidées, des matelas retournés. Cette fois, les policiers "braquent dans son lit un petit garçon trisomique de 6 ans", affirme Lina, habitante du second appartement, qui ajoute: "Ils l'ont traumatisé. Ce n'est que de la mise en scène, ils vont d'appart en appart mais ils ont rien trouvé".
Lorsque la centaine de policiers se replient vers 8H00 après avoir interpellé une personne en présence d'une nuée de journalistes, des femmes et des jeunes les poursuivent en les invectivant et en imitant le cri du singe: "bâtards, robocops, fourmis!"
Comme d'autres mères de famille descendues des tours au fil de l'intervention, Mariam fulmine. On a fait revenir cette jeune femme de 24 ans de son travail à la chaîne car la police est intervenue dans son appartement où se trouvait son nourrisson de 12 mois. "Ici on se sent en danger, on a peur quand les forces de l'ordre sont là", lâche-t-elle. "Si on braquait vos enfants avec des armes, j'aimerais bien voir comment vous réagiriez, il faut arrêter la provocation".