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Salomé

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 28 Juil - 12:26

Le Salon du Livre Sterling


A la sixième reprise, on devait être immunisé, hé non! je l’avoue, à chaque sortie d’un nouvel Harry Potter, je me pose cette question avec angoisse: mesure–t-on les conséquences navrantes que ce genre d’opération va finir par avoir sur nos enfants? Calmez-vous, fans endiablés, et vous, potteristes fervents, retenez vos lettres d’insultes, je ne parle pas du livre lui-même, ce dernier tome sorti il y a deux semaines, je n’ai pas encore eu le temps de l’ouvrir. J’ai lu quelque part que les aventures d’Harry Potter sont l’ouvrage le plus lu au monde après la Bible et le Petit Livre rouge. Il me semblait courtois, pour arriver enfin à essayer de comprendre mes frères humains, de faire les choses avec méthode: je vais commencer par relire la Bible. Je passe aussi sur les scènes d’hystérie habituelles, ces foules de gamins pressés devant les librairies dans l’attente de leur manne livresque. En ces saisons, les gens ne savent jamais comment occuper leur gosse. Pendant la douzaine d’heures où ils ont fait la queue, ça leur a fait au moins une accalmie pendant laquelle on n’aura pas entendu le gémissement habituel: «Il est nul votre camping.» Encore que le répit soit de courte durée. Une fillette a déclaré avoir lu ce tome 6 en sept heures. A ce rythme-là, je ne sais pas comment on va la tenir jusqu’au tome 7, celle-là. Sont prévues des traductions en grec ancien et en finnois, on peut toujours lui filer, on verra si elle fait autant sa maligne. Elle a toutefois précisé: «Je m’suis juste arrêtée pour manger et dormir un petit peu.» Cela rassurera les parents. Contrairement à ce que ne manqueront pas de nous raconter bientôt les psychologues de plateau télé qui n’aiment rien tant que de faire flipper les gens avec tout ce qui plaît aux ados, on est déjà certain de ce point: Harry Potter ne rend donc ni insomniaque ni anorexique.
Franchement, le livre en soi a beaucoup d’atouts. Par exemple Ratzinger l’a condamné, nous a appris «le Monde», car cette histoire de sorcier «déforme le caractère chrétien de l’âme». C’est bien la preuve que ce livre peut procurer beaucoup de plaisir. Comme chacun l’a remarqué depuis 2 000 ans, il n’est pas très dur de savoir ce qui fait du bien à l’homme, c’est tout ce que le pape pense être mal. Par ailleurs, l’extravagance des tirages déjà écoulés réalise un authentique miracle: on a enfin trouvé un bouquin à côté duquel le «Da Vinci Code» fait Editions de Minuit. Et puis ce succès est bon pour les langues en général et l’amitié européenne en particulier. Nombre de gens, pour ne pas avoir à attendre la traduction, le lisent en version originale et précisent «ça m’a réconcilié avec l’anglais». Il faut donc absolument penser à l’envoyer à Bertrand Delanoë. Vous vous souvenez de Bertrand Delanoë? C’est ce gars qui, en présentant la candidature de Paris aux JO, a passé des mois à dire: nous serons totalement fair play et s’est montré le pire des mauvais joueurs dès lors que la timbale lui a échappé. C’est la preuve qu’un cours de langue lui est nécessaire.
Ce qui me gêne, ce n’est pas de le lire lui-même, disais-je, ce sont les articles qu’il faut se taper à chaque fois dans la presse littéraire de notre temps: les revues boursières, les pages économie des journaux. Vous avez remarqué? Personne ne parle de l’ouvrage lui-même, tout le monde des records de vente, de la fortune de l’auteur, du cours de l’action de la maison d’édition. Avec Harry Potter, la littérature, c’est surtout le Salon du Livre Sterling. Je ne suis pas naïf. Que la culture soit devenue l’industrie lourde du XXIe siècle est une évidence. Notre ami Jérôme Garcin le soulignait justement la semaine passée. Voyez le fric placé dans la promotion de n’importe quel de ces gros navets qu’Hollywood envoie sur la planète. Par comparaison avec des budgets pareils, l’OPA prévue par Pepsi sur Danone fait pourboire. Et le monde littéraire français n’est pas à l’écart du phénomène: songez à ce que sera le lancement, fin août, du prochain bouquin de Michel Houellebecq, prévu dans je ne sais combien de pays à la fois. A mon avis, pour le groupe Lagardère, célèbre éditeur marchand de missiles, en termes d’enjeu économique, la sortie de «la Possibilité d’une île» se place quelque part au niveau de l’inauguration de l’Airbus A380. En encore plus risqué, naturellement: tout comme un Houellebecq, un Airbus peut se crasher, mais il est rare que pour fêter son lancement, à moitié bourré au milieu d’une interview, un avion balance des trucs racistes ou fasse un éloge des putes thaïlandaises.
La littérature pottérienne, c’est donc aussi un univers rose comme les pages saumon du «Figaro», et parfois, cette tournure des choses et du monde m’inquiète. Quand tous ces petits lecteurs passionnés qui dévorent les aventures sautillantes de l’apprenti sorcier finiront par rêver de faire eux-mêmes ce beau métier d’écrivain, que devrons-nous leur conseiller pour s’y former: faire des lettres, ou faire du chiffre?

François Reynaert
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Grenouille

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 28 Juil - 12:56

CHRONIQUES - Page 2 Applaudi CHRONIQUES - Page 2 Applaudi CHRONIQUES - Page 2 Applaudi

Ouf, j'ai cru qu'on allait être sevré, subitement !

no2
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Salomé

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyVen 5 Aoû - 5:20

Pepsichothérapie de groupe

Français, je vous en conjure, cessez de vous lamenter! Les temps sont durs, mais ne voyez-vous pas l’espoir se lever? Je sais, depuis début juillet, l’ambiance, dans ce pays, est aussi soleilleuse qu’une semaine de Toussaint à Saint-Cast. La patrie est à plat. On n’arrive pas à se remettre de la victoire de nos rivaux aux jeux Olympiques, triomphe inique, dont tout le monde sait bien la cause, même si peu osent briser l’omerta avec clarté: les autres ont gagné parce qu’ils s’étaient dopés.
Ah non, je suis idiot, je confonds! Les soupçons de dopage, c’était à propos d’une autre victoire scandaleusement usurpée par un Anglo-Saxon, mais quoi? On perd tellement de trucs, on ne sait plus.
Que dire des attaques honteuses qu’eut à subir notre industrie. Je ne reviens pas sur le vrai-faux raid de Pepsi sur Danone, à l’heure où je vous parle les choses sont obscures, on entre dans la troisième phase de cette fascinante affaire. Après une première semaine d’hystérie où l’on a vu l’ensemble des éditorialistes et de la classe politique s’indigner de ce que les Américains osent menacer nos yaourts, suivie d’une deuxième où les mêmes, ayant cru apprendre que tout était bidon, se sont réénervés avec autant de vertu contre la capacité de cette société médiatique à s’emballer sur du vent, nous en sommes à la troisième: je le lis à l’instant même, les investisseurs continuent à croire aux mauvaises intentions de la firme américaine puisqu’elle les a démenties avec force. On sent un monde de droiture et de simplicité. Je dis ça, je ne critique pas. Quoi qu’il advienne, cette grande pepsichothérapie de groupe, comme on oserait l’appeler, a permis de bons moments. On aura vu la droite, qui brade sans vergogne les autoroutes, prête à nationaliser le yaourt, et la gauche, refaire une vertu sociale à une entreprise qui, il n’y a pas quatre ans, écrasait sous le talon de la rentabilité les salariés de LU. Et avec quel panache! MM. Villepin, Ollier, tous les ténors socialistes, transformés en de Gaulle de la tête de gondole, étaient prêts à en découdre au canon à eau minérale avec l’impérialisme yankee! On a senti à l’œuvre un noble orgueil poussé à bout: ces gens ont pu, dans le passé, céder sur beaucoup, mais sur le Pim’s Orange, jamais!
Comment oublier pourtant que la publicité consacrée à cette épopée en a presque étouffé l’autre nouvelle économique de l’été: le Crazy Horse Saloon est racheté par des Belges. J’ignore quelle menace concrète ce transfert fait peser sur cette institution. Faut-il craindre une délocalisation? Peut-on traiter une boîte de strip-tease comme un centre d’appels téléphoniques? On croit voir des filles se foutre à poil à deux mètres de soi, en réalité tout est fait par des Sénégalaises sous-payées distantes de plusieurs milliers de kilomètres. Reste le caractère stupéfiant de la nouvelle. Elle nous a permis d’apprendre d’un coup que: 1) un truc s’appelant le Crazy Horse Saloon était français. Vous me direz, il y a bien un Paris au Texas, mais tout de même; 2) non seulement ce vieux temple de l’attrape-gogo années 1950 existe toujours, mais qu’il se trouve même des gens pour le racheter.
La saison a été dure, même si parfois on en a exagéré les rigueurs? Prenez Avignon. Partout, la controverse a enflé, cette édition était horrible, toutes les pièces étaient atroces, etc. Je n’en ai vu aucune, j’ai juste cru comprendre que dans l’une d’entre elles les acteurs passaient leur temps à pleurer et à faire pipi. Du coup, dès le milieu des spectacles, les salles ont jugé normal de faire tout comme les acteurs: elles se sont vidées également. Mais pour nous autres, de l’extérieur, quel avantage sur les autres années! D’habitude, Avignon, ce sont des articles qu’on ne lit jamais: ils sont unanimes à crier au génie devant des créations que de toute façon on ne verra pas. C’est à bâiller. Pour une fois, on n’avait pas à regretter de ne pas y être: bagarre entre les journaux, polémique entre les directeurs du Festival et leurs habitués, il suffisait d’ouvrir son canard pour être au spectacle, un vrai progrès.
La France, disais-je, a le moral dans les tongs, et c’est dommage, car si elle s’était intéressée à l’actualité scientifique elle y aurait trouvé des raisons d’espérer: un congrès de démographie mondiale vient de nous rappeler que nous avons un des meilleurs taux de fécondité d’Europe. Je glisse sur les raisons probables de ce succès: dans ce pays, on n’a plus d’industrie, plus de Crazy Horse, plus de théâtre, donc on fait des enfants – il faut bien que les gens s’occupent. Je souligne les chiffres: avec 1,9 enfant par femme, nous dépassons de 0,6 point l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne. Quand on voit un gosse, maintenant, on peut se le dire avec fierté: il y a six dixièmes de cette petite chose qui fonde scientifiquement notre supériorité sur nos voisins. Le problème est de savoir lesquels. C’est une autre question.

François Reynaert
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Salomé

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyVen 5 Aoû - 5:25

Les lundis de Delfeil de Ton

Il pleut de l’eau


Je vais laisser un robinet ouvert pendant un an et j’intitulerai cette œuvre «l’Eau courante». Ah, qu’il était content, Mark McGowan, lorsqu’il a eu cette idée. Mark McGowan est un artiste, auteur d’installations. La House Gallery, où il expose, à Camberwell, au sud de Londres, ayant une cuisine dans l’arrière-boutique, on y a ouvert un robinet au-dessus de l’évier, et le public, par des flèches artistiquement disposées, était invité à aller contempler l’eau qui courait. Quel sens ça a? Vous demandez quel sens ça a? Vous n’avez par le sens artistique. Ça dénonce bien évidemment le gaspillage des ressources naturelles par les grandes compagnies.
Mais c’est soi-même du gaspillage, vous écriez-vous. Décidément, vous ne comprenez rien. C’est du gaspillage pour la fin du gaspillage. La société Thames Water, qui distribue l’eau à Camberwell, en cet été sec se fournit sur ses réserves. Au bout d’un mois, elle a prié l’artiste et le galeriste de fermer ce robinet qui, en un an, perdrait 15 millions de litres. Des béotiens, cette Thames Water. Après avoir proposé un circuit fermé réutilisant l’eau, ce qui n’avait plus rien d’artistique, elle a menacé de couper l’approvisionnement. Le galeriste a cédé, au dépit de l’artiste, qui ressent cependant une satisfaction dont il ne s’est pas privé de faire part: grâce à lui, beaucoup auront pris conscience que l’eau, tout le monde en a besoin. Rien que pour se laver, tiens.

Dartington Hall, dans le Devon. Nous ne sommes plus dans une obscure galerie, nous sommes dans un centre culturel réputé, bâti autour d’une vaste construction gothique dont l’origine remonte au xive siècle. Sa grande exposition estivale y présentait une œuvre intitulée «Arme de destruction massive». A quoi ressemblait-elle? A une bouteille d’eau. C’était d’ailleurs une bouteille d’eau, une bouteille en plastique, d’une contenance de deux litres, une de ces bouteilles dans lesquelles on trouve généralement des boissons gazeuses ou de l’eau minérale, celle-ci contenait de l’eau. Pas n’importe quelle eau. C’était de la glace de l’Antarctique fondue. Eh bien, figurez-vous qu’elle a été volée, c’est pourquoi nous en parlons à l’imparfait.
L’artiste, Wayne Hill, n’est pas content du gardiennage, ce qui est bien naturel, mais surtout pareil acte de vandalisme le rend furieux. Cette bouteille était une bouteille ordinaire, explique-t-il, mais on ne pouvait ignorer que c’était une œuvre d’art: elle était posée sur un socle, elle portait ce nom, «Arme de destruction massive», elle était étiquetée, répertoriée, inscrite au catalogue. Elle avait un sens fort de dénonciation du réchauffement climatique. C’est pour lui, dit-il, une perte considérable dont il cherche les motifs. S’est-il agi d’un banal voleur, qui avait soif et qui l’a bue? S’agit-il d’un amateur d’art, d’un saboteur à la solde des adversaires du protocole de Kyoto? Toutes les hypothèses sont en effet permises, et Wayne Hill s’afflige aussi de la perte financière. Le préjudice est estimé par lui à 42500 livres sterling, soit 61555 euros. 42500 livres, peste! voilà qui est précis. 42500 livres, certes, il y a là de quoi pleurer.
Et si Wayne Hill versait ses pleurs dans une bouteille? Il la remplit. Il la bouche. Il l’étiquette «Pleurs de destruction massive» et la pose sur un socle. La voilà prête à être exposée. Restera à lui faire prendre de la valeur, mais c’est ici qu’on voit le talent de l’artiste.

Post-scriptum qui n’a rien à voir. – A Bagdad, 14 employés d’une station d’épuration d’eau, qui rentraient du travail, ont été abattus par des insurgés. La religion ne rigole pas avec la flotte.

Delfeil de Ton
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Salomé

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMer 10 Aoû - 22:23

Le Mickey d’Orsay

Pensez ce que vous voulez du gouvernement de M. de Villepin mais suivez la hausse vertigineuse de sa cote de popularité, lisez l’ensemble des éditoriaux soudain tombés à ses pieds, et constatez-le: en termes de communication politique, il a inventé une méthode imparable.
Ce n’est pas simple, de nos jours, pourtant, de réussir à être populaire quand on est au pouvoir. Voyez ce à quoi est contraint ce pauvre M. Blair pour faire à peu près bonne figure devant ses électeurs – on l’a appris il y a peu grâce à une réponse chiffrée du 10 Downing Street à une question parlementaire tout à fait officielle: il dépense en produits de beauté et rendez-vous chez l’esthéticienne deux fois plus qu’une Anglaise moyenne. Il est vrai que sur le Premier ministre les résultats sont plus spectaculaires: peu d’Anglaises réussissent à être aussi orange. Vous me direz, au moins cette réponse claire à une claire question parlementaire prouve l’amélioration de la transparence de la vie politique de ce pays. Un an auparavant, la Grande-Bretagne était secouée par le scandale des vrais faux rapports sur la présence d’armes de destruction massive en Irak. On ne saura jamais si oui ou non le gouvernement a ordonné d’en maquiller les conclusions. En revanche on sait tout sur la marque du fond de teint utilisé par son Premier ministre. Mais ce que cela indique des astreintes de ce métier! Ainsi, pour diriger les Britanniques, il faut non seulement gérer les guerres, les attentats et les plaisanteries idiotes de M. Chirac sur son patrimoine gastronomique, mais encore trouver le temps de caler entre tout ça ses rendez-vous épilation et ses séances gommage anticomédons!
En termes de communication politique, disais-je, même en France, certains sont très forts. Je pense à M. Douste-Blazy. Depuis qu’il est en charge de notre politique étrangère, il a, paraît-il, gagné un surnom: le Mickey d’Orsay. C’est bien trouvé. Dès son premier voyage officiel à Washington, on a pu mesurer l’étendue de son talent. A côté de Mme Rice, il a ainsi résumé ce que doit être à ses yeux le renouveau de notre alliance atlantique: «Il faut allier la French touch et l’American way of life.» Je vous jure que c’est authentique, on trouve même cette perle dans les extraits de discours officiels recensés par nos services. Une seule phrase, deux clichés. Je suppose qu’après il a dû également glisser un truc autour de «La Fayette, nous voilà», mais les extraits ne le mentionnent pas, on ne peut pas désespérer le citoyen à ce point. Bien sûr, depuis, l’actualité internationale a été très chargée, et le niveau du ministre s’en est un peu ressenti: il s’est contenté, au fil de l’été, de souligner à quel point le terrorisme était affreux, la guerre, terrible, la famine, atroce, et les Iraniens vraiment pas gentils. C’était plus banal: tout le monde a fait pareil. Mais s’il reste à son poste, on peut garder confiance, peut-être accomplira-t-il ce qui pourrait être son grand œuvre: un tour du monde du lieu commun. A Madrid, devant notre ambassadeur chargé de ponctuer les phrases ministérielles de «olé!» en tapant le sol de sa talonnette, on l’entendra lancer avec fierté à la foule: «Et viva l’España!» Au Mali, en Côte d’Ivoire, il pourra complimenter l’Afrique éternelle et mystérieuse sur le sens du rythme que son peuple a dans le sang. A Berlin, poussé par cette joyeuse et saine camaraderie franco-allemande, qui autorise une certaine simplicité dans les rapports, il donnera une bourrade au chancelier en place et, dessinant une petite moustache sur ses lèvres amusées, il dira: «Achtung bicyclette! nous afons les moyens de fou faireu barlé.» Enfin il fera rire le Tout-Pékin en répétant en boucle: «Et pourtant je ne suis pas arrivé à pied par la Chine», contrepèterie hilarante entendue lorsqu’il était en première année de médecine à Toulouse et comprise un peu plus tard.
Oui, en matière de communicants, nous avons nos héros, mais l’indiscutable champion en est M. de Villepin. Quel génie! Vous avez vu ce qu’il a fait pour se mettre l’ensemble de la classe médiatique dans la poche: rien. J’exagère, son jeu a été plus subtil: rien de ce qu’on attendait de lui. Reprenez les articles qui aujourd’hui brossent les mocassins du chef d’un gouvernement qu’on disait mort-né, et vous verrez, le cirage tient à cela: on attendait un grand lyrique exalté et tout fou, il nous surprend par sa modestie. A part ça, entre son «contrat nouvelle embauche» qui profite de la torpeur de l’été pour raboter un peu plus le Code du Travail et son «patriotisme économique», qui sent son gaullisme de fin de congrès du patronat, M. de Villepin pratique surtout le Raffarin en pire. Qu’importe, les gens sont contents. M. de Villepin a fait une chose essentielle: il a fait bonne impression. De son point de vue, c’est fort. Du point de vue de notre maturité démocratique, c’est à pleurer.

François Reynaert
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 11 Aoû - 7:14

CHRONIQUES - Page 2 Sbof aaaah ces foutus sondages, y va arriver à la fin de ses 100 jours comme une fleur, et rassuré. le français est bete à bouffer du foin.
on lui dit qu' untel PROGRESSE dans un sondage et aussitot il dit qu' il est d' accord avec les idees du bon eleve
c' est à chialer
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Salomé

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMar 16 Aoû - 13:26

Les convaincus sont parmi nous



Ca se passe à Pekin, dans l’Illinois. Un pékin vient d’y mourir. Il s’appelait Norton. Robert Norton. De son vivant, toujours à poil. Il s’occupait beaucoup de son jardin: à poil. Il aimait s’y promener. Il s’y promenait à poil. Les voisins, les passants s’en offusquaient dans leurs vêtements. Depuis vingt ans, tous les printemps, ils le faisaient embarquer par la police. On lui a fait sa dernière toilette et on l’a habillé. Il avait pourtant bien dit qu’il voulait qu’on l’enterre à poil mais son frère pasteur n’oublie pas la parole de Dieu chassant Adam du jardin d’Eden: «Vous aurez honte d’aller nus.» Dieu ait pitié de Robert Norton et qu’au jour de la Résurrection il porte bien sa cravate et son caleçon, surtout le caleçon.


Des colons extrémistes, en compagnie de leur rabbin, se sont réunis pour le rite de la Pulsa Denura: «Que maudit soit Untel et que le ciel le foudroie.» Untel en l’occurrence était le Premier ministre d’Israël, Ariel Sharon, coupable d’ordonner l’évacuation des colonies juives de Gaza. Un autre rabbin n’a souhaité la mort de personne mais il a averti les responsables de l’évacuation qu’un cancer les guettait. La vacherie, c’est qu’il n’a pas précisé lequel.


Grand émoi, à 2 heures du matin, au centre de tri postal de Bonneuil-sur-Marne. Une lettre suspecte, en provenance du Sri Lanka, contenait une poudre rosâtre non identifiée. On envoie postiers et policiers à l’hôpital pour examen toxicologique. La poudre part pour le laboratoire d’analyses. Ce n’était que des excréments d’éléphant desséchés, indispensables pour les rites religieux sri lankais d’un Parisien du 18e arrondissement. Qui sait si cette couleur rosâtre des excréments d’éléphant n’est pas à l’origine de la légende des éléphants roses dont les vieux Parisiens, pas seulement ceux du 18e, se rappellent qu’on en trouvait à la Samaritaine, à l’époque où on trouvait tout à la Samaritaine, et même la Samaritaine.


C’est par milliers que pèlerins et vacanciers affluent à l’église Saint-Pierre d’Acerra, au nord de Naples, pour y rendre hommage à la statue de la Vierge. Elle a bougé. Non pas que la statue ait changé de place mais la Vierge a remué, d’abord une jambe. Un autre jour, on a vu son visage se contracter, sourire. Aux dernières nouvelles, certains l’auraient filmée avec leurs téléphones portables alors qu’elle faisait bouger ses oreilles mais une des raisons, qu’on ose à peine écrire, qui attirent les curieux en si grand nombre, c’est que la robe de la Madone se fait par moments transparente et qu’on lui voit les cuisses presque jusqu’au nombril. L’évêque s’en tient pour l’instant à l’hypothèse d’un «phénomène physique» qui serait dû aux matériaux dont est constituée la statue, lesquels seraient sensibles à la chaleur et à la lumière. Ce n’est pas d’aujourd’hui, pourtant, qu’il fait chaud et que la lumière est. Au fait, ces cuisses? De belles cuisses.


Un député UMP, vice-président de l’Assemblée nationale, annonce le dépôt en novembre d’une proposition de loi pour interdire de fumer dans tous les lieux publics de France. Y compris dans les bars et les cafés-tabac? Y compris dans les bars et les cafés-tabac. Un garçon de 22 ans, du Nebraska, qui aimait sa petite voisine de 13 ans, a voulu l’épouser et elle aussi le voulait, bien que leurs mères les aient mis en garde mais elles ont fini par leur donner leur bénédiction. Ils étaient allés se marier de l’autre côté de la frontière, dans le Kansas, où le mariage à 12 ans est autorisé si les parents sont consentants. Ils sont retournés dans le Nebraska après le mariage et maintenant la fille a 14 ans et attend un enfant. C’est ce qui a décidé le procureur général du Nebraska à entamer une procédure contre le père pour viol de mineure, le voilà passible de cinquante ans d’emprisonnement. «Je ne vais pas rester les bras croisés quand un gars a une relation sexuelle avec une gamine de 13 ans», a déclaré ce procureur. Le Collectif des Faucheurs volontaires, réuni autour de José Bové, revendique la destruction, en moins de 24 heures, de trois parcelles de maïs, génétiquement modifié pour la recherche d’un traitement de la mucoviscidose. «Aucune justification scientifique ou thérapeutique ne permet la transformation des champs des paysans en paillasse de laboratoire», communiquent les Faucheurs volontaires. C’était ma rubrique «Trois nouvelles groupées parce que tous ces gens sont les mêmes et je ne me donnerai pas la peine d’expliquer en quoi».

Delfeil de Ton
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Salomé

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyVen 19 Aoû - 23:28

Altos plus rapide que François !! CHRONIQUES - Page 2 Sourire1


Terre des zooms

Les avancées technologiques apportent parfois des perspectives déprimantes. Prenez cette nouveauté du moment, Google Earth, le dernier gadget en date du célèbre moteur de recherche américain. Vous voyez de quoi il s’agit? De la mise en ligne d’une immense partie des photos satellites de notre petit globe dont on dispose, et qui, une fois le logiciel téléchargé (sur earth.google.com), permet à chacun, depuis son PC, de jouer à son escapade spécial Discovery. En plus cool, naturellement: on n’a pas besoin de sortir dans l’espace déguisé en scaphandre de Tintin sur la Lune quand il y a des réparations de carlingue à faire, il suffit d’appeler le monsieur de l’informatique et on atterrit où on veut. Il faut le reconnaître, ça a un charme fou. Même au bureau, maintenant, qu’est-ce qu’on voyage! On se place devant son écran, on fait tourner avec sa souris la vieille planète bleue qui apparaît devant nous dans sa rotondité, et en zoomant sur un point choisi on survole au choix les vastes plaines de l’Asie centrale, les sommets de l’Himalaya ou, destination non moins exotique, la maison de sa belle-mère à Beuzevillette (Seine-Maritime).
Ce joujou relativise avec poésie les œuvres humaines. Il est très amusant par exemple de pouvoir voler au-dessus des pyramides, mais il faut bien le dire: vu d’en haut, le Sphinx monumental fait yorkshire. Evidemment, tout est lié au stock de photos disponibles: certaines parties du globe restent nimbées du flou obscur de leur mystère, comme les denses forêts de l’Afrique équatoriale ou quelques zones du Nord-Calvados, mais certains autres clichés sont d’une précision stupéfiante. Ainsi à Pékin la Cité interdite. On devrait songer d’ailleurs à en changer le nom: avec les vues que désormais chacun peut en avoir, je ne vois pas bien à qui elle n’est plus autorisée. On distingue même les queues de touristes qui attendent d’y entrer. On aura compris que je veux parler des files d’attente: la machine est précise, mais pas à ce point tout de même.
J’ai l’air de m’emballer, je ne le voudrais pas. Comme l’a souligné la presse, l’entreprise n’est pas sans péril. Je ne parle pas des craintes du terrorisme, très en vogue en ce moment, hélas. Le projet les a ravivées. Il paraît que les militaires australiens se sont déjà inquiétés de ce qu’on mette ainsi à la disposition de n’importe qui des vues aériennes de leurs centrales nucléaires. Puis ils se sont ravisés: vérification faite, les photos sont vieilles et pas très nettes. Si des méchants voulaient lancer un missile dessus, ils auraient 99% de chance de rater ces cibles sensibles. Il tomberait donc sur les villes à côté. C’est rassurant, en effet. Je badine, mais de toute évidence, à Google même, on a anticipé le péril. Par exemple quand, dans la fenêtre de recherche de lieu, on tape: «White House, USA», le moteur, pas bête, vous envoie l’air de rien sur le «White House Cleaning», un pressing sis avenue Troost à Kansas City (Missouri). Voilà ses propriétaires prévenus: s’ils voient un jour des barbus mal élevés viser leurs machines à laver avec des kalachnikovs en hurlant «George Bush, sors immédiatement de ce tambour!», ils sauront d’où ça vient.
Le risque auquel je pensais est autre, il tient à ce que «Libé» l’autre semaine baptisait la «googlocratie», cette mise sous clic du monde entreprise par la firme californienne. On connaît les critiques. Déjà tout cela est porté, quoi qu’on en dise, par un américano-centrisme assez exaspérant. Faites le tour du Google Globe et allez voir les merveilles du monde qui y sont désignées d’office: la tour Eiffel et la place Rouge à côté du Grand Canyon, d’accord, mais aussi, comme seul centre d’intérêt du Moyen-Orient, l’ex-palais présidentiel de Saddam Hussein à Bagdad. Qui a jamais eu envie de visiter un endroit aussi sinistre, sinon les Etats-Uniens: c’est même pour cette raison qu’ils se sont brouillés avec la moitié de la terre.
Surtout, on peut contester le but ultime de l’entreprise, qui ne vise in fine qu’à vendre de l’espace publicitaire à tous ceux qui auront profit à figurer sur les cartes: les hôtels, les pompes à essence, les épiceries, que sais-je. Certes, on n’en est encore qu’au début et ça concerne d’abord les Etats-Unis. Bien entendu – j’ai vérifié –, dans le désert du Kalahari les débits de boissons restent très rares. Mais aux Etats-Unis le maillage est déjà impressionnant, et je suppose qu’on les suivra tôt ou tard, comme toujours. Je sais, pour l’instant, la démarche paraît délirante: pourquoi se taper une vision de tout son continent pour savoir où aller bouffer au coin de chez soi? Mais justement, c’est déprimant. Depuis des siècles, la contemplation de la Terre dans sa globalité suggérait aux hommes de nobles questions: quelle conquête? quel voyage? quel destin commun pour l’humanité? Demain, elle ne servira plus qu’à zoomer au plus bas: on se fait un chinois ou une steak house?

François Reynaert
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 25 Aoû - 0:40

Légion d’Horreur

Le problème tient peut-être à la timidité du scénario. Je sais, je parle d’un film qui a été encensé par la critique, et dont le public est en train de faire le succès de l’été, «Land of the Dead» («Territoire des morts»), la dernière œuvre de George Romero, meilleur spécialiste mondial du mort-vivant. Que voulez-vous que je vous dise, il m’a déçu. De nos jours, c’est sûr, réussir un film d’horreur n’est pas chose aisée: quand on voit ce qu’on balance chaque jour au Journal télévisé, on se doute qu’il en faut du sang, des cadavres et des massacres pour que les gens aient enfin le sentiment de voir quelque chose de distrayant. Il ne faut pas non plus être injuste, il y a dans cette œuvre de bonnes choses, on est fort loin de la niaiserie hollywoodienne habituelle, par exemple on échappe ici à l’inévitable romance bétasse entre le beau garçon et la jolie fille. Chez Romero, le seul joli garçon finit en hachis parmentier au bout de dix minutes, et les quelques bimbos qu’on aperçoit ont la mâchoire arrachée, les membres en lambeaux et personne n’aurait envie de les embrasser sur la bouche, elles seraient capables de vous déchiqueter la langue avec les dents pour se la prendre en apéritif. Le film n’est pas mal, mais il me semble que rien qu’avec ce qu’on voit autour de nous on aurait pu faire tellement mieux.
1) Par exemple, au lieu de prendre pour héros des humains fadasses que personne ne connaît, on aurait pu centrer l’action sur des vedettes amusantes détendues et un peu neuneus comme toujours au début des films d’horreur, mettons Villepin et Chirac en vacances, comme vous les avez aperçus, avec le polo ouvert et les Church’s dans le sable. Et on aurait très vite montré les plans sur les créatures monstrueuses et sanguinaires qui rôdent dans leur ombre: les ex-ministres de Raffarin virés du gouvernement. Sans blague, vous les avez entendus!
Oui, je sais, on me trouvera partial. Une fois de plus je me moque de la droite alors que la gauche ne fait guère mieux. Elle aussi, elle a ses revenants, direz-vous, en pensant à son interview dans «l’Obs» de la semaine passée: même Rocard est de retour. Faites excuse! Ça n’a rien à voir! D’abord Rocard ne maugrée pas comme un zombie, il a toujours parlé comme ça. Ensuite dans la tradition de Romero, les revenants reviennent pour dévorer les vivants, qu’est-ce que vous voulez que les socialistes en aient à fiche? Chez eux, ce sont les vivants qui se bouffent entre eux.
Tandis que les virés de chez Raffarin, quel swing! Fillon avait commencé en balançant des missiles contre le nouveau cabinet juste après son exclusion. Récemment, Michel Barnier lui-même a déclaré au «Figaro»: «J’userai de la liberté que Chirac a eu tort de me rendre.» Je suis d’accord, lue à froid la phrase est un peu plate. Dans la bouche d’un homme qui vient de se taper trente ans de diplomatie européenne, elle tient de la bombe atomique. Par comparaison, le moment où le psychopathe commence à charger la batterie dans «Massacre à la tronçonneuse» fait sketch. Oui, le retour des maroquins vivants, ce serait un thème extraordinaire, on les verrait tous, les Muselier, les Devedjian, les Haigneré, dépenaillés, hirsutes, la légion d’Horreur à la boutonnière, rôdant en bavant autour des Laguna ministérielles qu’on leur a piquées, surgissant à la nuit tombée sous les grilles de l’Elysée en ruminant, contre celui qui les a trahis, les vengeances les pires: aller déjeuner avec Bayrou, flirter avec Sarkozy.
2) Autre solution, on tente l’histoire du héros qui brise sa retraite et revient d’un pays lointain pour sauver notre planète ravagée par des démons monstrueux. Vous m’avez compris, je parle de Zidane. Non, vous ne m’avez pas compris, je ne cherche pas à mon tour à me moquer des voix que notre Jeanne d’Arc au ballon rond aurait entendues dans la nuit pour lui commander de bouter l’anglois (et d’autres) hors des matchs de qualif à la Coupe du Monde. Il l’a précisé, cette voix n’était que celle de son frère. Il lui aura fallu une semaine pour s’en souvenir; la nuit, on entend mal. Quoi qu’il en soit, le point important était autre. Il l’a précisé avec colère: s’il est revenu, ce n’est pas sous la pression des annonceurs publicitaires qui le paient. Le voilà donc, le vrai, le bon scénario! Je sais, les amateurs de foot détestent qu’on aborde ces questions si vulgaires, la pollution du sport par l’argent. Eux, quand ils voient un match de foot, ils ne veulent voir qu’un match de foot. Moi, dans les stades, je ne vois plus que des comptes en banque sur pattes tenter de dribbler entre des tunnels de pub. Bref, la colère de Zidane me semblait enfin un bon début pour un scénario qui ait de la tenue: notre héros lançant la lutte à mort contre ces zombies qui sucent l’âme du sport, les sponsors, les agents, les rois du Mercato, les traficoteurs de la gloire sur pelouse. Je ne sais pas si ça ferait un succès, en tout cas, pour une fois, ça me ferait aimer le foot.

François Reynaert
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 1 Sep - 10:15

Rentier littéraire


Je l’écris sans ambages: j’ai adoré le dernier Houellebecq. Adoré! J’ai tout lu d’une traite, c’est très amusant, cela dit tellement de choses sur notre époque, et l’intrigue a été bien tenue jusqu’au bout, même si, il est vrai, le tout n’est pas exempt de répétitions. Comment dites-vous? Je parle sans doute des innombrables scènes érotiques ou des tunnels parfois un peu longuets sur le clonage dont il a été fait mention ici et là?
Vous n’y êtes pas du tout! Je ne parle pas du dernier roman de Michel Houellebecq. J’ai beaucoup aimé ses livres précédents. Peut-être aimerai-je le nouveau, mais le lire maintenant, quelle inélégance! Tout le monde le fait. Dès la semaine prochaine, dans les dîners chez les copains, ce sera pire encore que d’avoir à pronostiquer qui de Villepin ou de Sarkozy va griller l’autre pour la présidentielle, ou d’avoir à se prononcer pour savoir si oui ou non la femme de Jean-Pierre Pernaut a couché avec Daniel Ducruet. Alors Houellebecq, vrai scandale ou imposture? Et son bouquin, «la Possibilité d’une île» ou la possibilité du nul? C’est à bâiller par avance.
Je parle d’un feuilleton bien plus intéressant: le dernier dossier Houellebecq, c’est-à-dire l’ensemble des 2850 articles qui ont déjà été écrits, depuis le début de l’été, sur le livre sorti lundi dernier. Celui-là restera comme une des œuvres phares non pas de la littérature mais d’un de ses surgeons, autrement passionnant: le journalisme littéraire. Lire des bouquins peut être rasoir. Lire ce qu’on écrit à propos de bouquins qu’on n’est pas obligé de lire est délectable.
1) Voyez, par exemple, la réussite tellement novatrice du lancement du produit. On sait que le groupe Lagardère, fameux éditeur riche d’un catalogue prestigieux (missiles, avions, intérêts industriels divers), avait à cœur de tout faire pour défendre une œuvre dont il sait depuis le premier jour les immenses qualités: 1,5 million d’euros de contrat. D’où la nécessité d’une stratégie publicitaire à la hauteur. Ce n’était pas évident. Songez par exemple au cauchemar qu’aurait été une promo type Harry Potter. Faire ouvrir les libraires pour lancer le livre partout en même temps à minuit, d’accord. Mais le moyen d’organiser les animations en rapport pour faire patienter le chaland? Pour le petit magicien, vous distribuez des baguettes en plastique et vous mettez sur les têtes des vendeuses des chapeaux pointus, c’est grotesque, mais inoffensif. Pour Houellebecq? Vous vous voyez, vous, demander aux libraires d’embaucher des putes de l’Est parce qu’il n’y a pas meilleur chemin pour s’imprégner, tout en patientant, de l’œuvre du maître? D’où l’idée de génie: organiser un embargo total sur le livre jusqu’à sa sortie, feindre de n’en donner des extraits en primeur qu’à un seul journal (en l’occurrence le nôtre, comme vous avez pu le lire dans l’excellent dossier publié la semaine passée), et s’arranger pour obliger la presse à n’en parler qu’après. Ça a marché au-delà de toute espérance. Toute la presse en a parlé avant. En pestant comme il se doit: c’est scandaleux, si c’est comme ça, on n’en parlera pas du tout, etc. Un succès absolu. L’éditeur devait être ravi, vous pensez: trois ou quatre pages en moyenne par journal pour dénoncer l’ignominie d’un plan médiatique aussi rodé, on fait difficilement mieux pour en réussir un. Les critiques étaient aux anges. Ils ont pu enfin se sentir à l’aise avec une pratique un peu gênante, d’habitude: ils ont pu parler d’un livre sans l’avoir ouvert, et pour une fois ils ont pu s’en vanter.
2) J’ai adoré la façon dont le journalisme littéraire a ravivé le sens du débat, qui manque tant à nos sociétés vieillissantes. Je pense à cette phrase répétée ad libitum de quotidiens en hebdomadaires: «Ce livre va certainement faire polémique.» Je ne dis pas, il y a matière. Hier, Michel H. en était encore à l’islam «religion la plus con». Aujourd’hui, il a décidé d’en finir avec ces enfantillages pour positiver: il fait l’éloge des raéliens. J’ai bien vu passer aussi une saloperie ou deux sur la gauche, un petit peu de vomi sur les enfants, un truc contre les droits de l’homme, enfin la routine. Je mesure ce qu’il y a d’obligation professionnelle là-dedans. Un Houellebecq en promo qui ne dirait pas d’horreurs, ce serait un peu comme une Amélie Nothomb en cheveux, un roman d’Alexandre Jardin sans clichés, ça décevrait. Mais cette phrase! Si la littérature a un sens, c’est que les questions qu’elle pose doivent susciter un point de vue. Chez le journaliste littéraire modèle été 2005, ça amène une perspective. «Ça devrait faire polémique.» Auprès de qui? Pour en sortir quoi? Ça, c’est à voir avec les autres rubriques, on ne peut pas s’occuper de tout.


P.-S. – Je vous l’avoue entre nous, toute cette rentrée m’épuise. Je traite donc le mal à la racine: je me tire en vacances! Retour le 15. Byeeee!

François Reynaert
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 1 Sep - 10:38

L'est pas souvent en vacances lui ??? Serait pas fonctionnaire des fois ? CHRONIQUES - Page 2 Laughing
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 1 Sep - 10:59

Je trouve aussi !! CHRONIQUES - Page 2 MDR76
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 22 Sep - 11:11

Quand le cancre lit

Certes, dans un pays où les gens n’ont jamais lu Proust ni Chateaubriand puisque, si on les en croit, ils ne font que les « relire » chaque été ; dans un pays tellement lettré qu’il fut capable de s’engueuler deux semaines à propos d’un roman que personne n’avait encore lu, la nouvelle peut faire tache. Je l’avoue, pourtant, je la trouve sympathique et parlante: le triomphe éditorial du moment pourrait bien être « la Littérature française pour les nuls » (First Editions), gros pavé signé de l’étonnant Jean-Joseph Julaud, ancien prof de collège qui ne craint pas les classes surchargées. L’an dernier, pour ce même public de bonnets d’âne qu’il affectionne, l’homme avait publié une « Histoire de France », qui avait fait ses 200 000 exemplaires sans une pub, sans un passage télé, sans même une mauvaise critique dans le moindre journal – on se demande parfois pourquoi on se décarcasse.De ce nouvel ouvrage lui-même, je dirai peu. Voilà donc 600 pages qui vont des Serments de Strasbourg (842), les promesses faites entre eux par les petits-fils de Charlemagne où l’on croit discerner les premiers balbutiements de la langue française, aux romans de Marc Lévy, les naseries du petit-neveu de Barbara Cartland, où l’on peut distinguer d’autres balbutiements de notre langue, mais moins élaborés. Les puristes feront la fine bouche. Pas d’analyses structurelles, pas de proses profondes sur l’esthétique de celui-ci ou celui-là. Ici, toute la littérature est réduite à la vie des grands auteurs dans une cour où l’anecdote est reine et le calembour son prince. On est souvent plus près de Roland Magdane que de Roland Barthes – encore que ça puisse être réussi: « La Fontaine, cet homme affable » (p. 167), ça n’est pas neuf, mais ça m’a fait rire.Après lecture, on ne sait pas grand-chose de ce qui fonde le génie du style de Flaubert, mais on apprend qu’il a vomi au moment de la rédaction de l’épisode de l’empoisonnement de Mme Bovary, détail ô combien plus accessible: rares sont ceux qui se risqueraient à singer la plume du maître de Croisset, mais tout le monde peut avoir des problèmes d’estomac. L’air de rien, on apprend des tas de choses. Mme de Sévigné n’était pas marquise ; le titre « Les oiseaux se cachent pour mourir » est tiré d’un poème de François Coppée, détail qui permettra à 99% du lectorat de découvrir l’existence de ce poète pompier de la fin du XIXe. On apprend même les proportions du mélange de cafés qu’adorait Balzac, en société, c’est commode. Après un dîner, vous servez aux convives une tirade sur le thème de la mobilité sociale dans « la Comédie humaine », tout le monde ronflera. Vous leur offrez un kawa en précisant que c’est le mélange de Balzac, les gens seront ravis, ils seront persuadés que c’est le nom d’un nouveau torréfacteur à la mode. Et qu’importe le livre lui-même, ceux que j’aime de toute ma fraternité, ce sont ceux qui l’achètent et se retrouvent dans le titre. La collection « Pour les nuls » fait un triomphe, comme je le comprends, combien de fois on se sent désireux de reprendre ses connaissances à la base, face à ce monde complexe. Prenons un exemple au hasard: la politique. Avant il y avait la gauche, la droite et éventuellement un ou deux leaders par bord. Avec quelques notions de géométrie élémentaires on s’en sortait. Maintenant, voyez le nombre de candidats/jour qui se déclarent par parti en vue de la présidentielle de 2007: sans une maîtrise de la division à six chiffres, on ne s’en sort plus. Et combien d’autres nouveaux domaines sont sollicités. Récemment, la médecine cardio-vasculaire. Au moment de l’hospitalisation de Chirac, ça m’a fasciné. La gauche avait son diagnostic, les sarkozystes avaient leur diagnostic, le professeur Debré, qui est urologue, avait son diagnostic: mais où diable le professeur Debré situe-t-il l’appareil urinaire pour faire des commentaires ex cathedra sur un accident cérébral ? Il n’y a que Villepin pour être resté discret, on le comprend: pouvoir se mettre en scène comme dauphin officiel était un tel coup de veine pour lui-même qu’il n’avait pas besoin de commenter en plus les problèmes de circulation des autres. Même le public a été sollicité. « Vous a-t-on dit la vérité sur la santé de Jacques Chirac ? », a demandé un journal à des lecteurs. Eh bien les gens ont répondu, c’est impayable. On devrait songer à établir le traitement par sondage, ce serait plus simple. Vous me direz que je m’éloigne de mon sujet. En quoi un manuel intitulé « la Politique pour les nuls » résoudrait quoi que ce soit ? C’est vrai. Que la politique, toutefois, nous prenne à ce point pour des nases, avouez, ça pose question.

François Reynaert
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Grenouille

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 22 Sep - 13:15

AAaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhh ! ! ! ! Il m'avait manqué çuilà ! ! !

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 29 Sep - 11:28

Audim’as-tu-vu

Il y a des tendances que l’on pressent depuis longtemps et qui affolent quand on les sent imminentes. J’y pensais en reposant le livre d’entretiens que vient de publier Thierry Ardisson : « Confessions d’un baby-boomer ». Dans cet ouvrage, donc, à un abbé médiatique de circonstance, le célèbre « Monsieur Tout le monde en parle » raconte sa vie. On ne peut lui faire reproche de ce déballage. Ça fait vingt ans que l’homme en noir feint de s’intéresser au destin des hardeuses à gros seins et des vedettes à petits livres qu’il invite sur ses plateaux, ça a fini par l’inspirer. Comme toujours avec Ardisson, il faut réussir d’abord à passer sur quelques poses exaspérantes. Par exemple, depuis les tables de palaces où il donne ses rendez-vous de dominant social qu’il est, il conserve cette manie de se vivre comme un rebelle parce qu’il tutoie le serveur, porte des tee-shirts sous ses vestes hors de prix et parle gaillardement de son goût pour la dope et la pornographie. Mais bon, il ne fait que suivre la mode des gens de son âge. Le début de l’ouvrage est bien : j’aime l’histoire du petit provincial timide qui raconte qu’il a appris les mystères de la sexualité en lisant les graffittis dans les WC de la gare d’Albertville. De la part d’un roi de l’audiovisuel et de la partouze réunis, réhabiliter la puissance fondatrice de l’écrit est élégant. J’aime bien les années 1970 aussi, on passe sans transition des agences de pub croulant sous le pognon aux voyages à Bali écroulés sous le pétard, ça fait du contraste. Dès qu’on en vient à la période télé, hélas, on entre un peu dans un tunnel. Deux décennies de rendez-vous avec des directeurs de programme, pour des successions d’émissions que même ceux qui les ont présentées ont dû oublier, c’est aussi passionnant que d’imaginer Edouard Balladur nous narrant l’histoire des lois de programmation budgétaire du temps de ses années Pompidou, en encore plus archaïque : personne au monde n’est foutu de se rappeler ce qu’il a regardé comme programme la semaine passée, alors se souvenir des débuts de Christine Bravo, pensez ! Cela dit, tout ça est mû par une volonté amusante de tout mettre sur la table. J’ignore ce qui, dans ce petit tas de vrais faux secrets, tient de l’info ou de l’intox, mais au moins, pour comprendre de quoi il parle, on n’a pas besoin de lire entre les lignes. Elles y sont toutes : les lignes pompées de « Pondichéry », fameux plagiat, et les lignes de coke, ça va de soi.
Surtout, malgré ses défauts, malgré son côté Audim’as-tu-vu, l’homme a un côté branque qui le rend sympathique. Je ne partage pas son goût politique pour la monarchie, sa nostalgie de l’Algérie française et son fond anar de droite dure, mais dans un milieu encombré de médiacrates ventrus qui passent leur temps à chanter l’air de « cette gauche qui nous a tant déçus », trouver un type qui raconte qu’en mai 1981 il dînait chez Giscard, au moins ça tranche. Il raconte aussi qu’il a une collection de voitures uniquement pour les regarder parce qu’il ne sait pas conduire. C’est moins original : après tout, chez ses pairs de la télé, on passe bien son temps à présenter des livres pour ne pas avoir à les lire, ça l’aura inspiré. Le problème, disais-je, c’est que cette dinguerie touche parfois à des sommets qui pourraient être annonciateurs de choses terribles. J’y pensais en découvrant cette drôle d’habitude qu’il nous révèle : tous les ans, il se fait hospitaliser trois jours entiers pour faire un check-up dont il ne nous épargne aucun détail, ni le nodule qu’on lui a enlevé l’autre fois, ni sa fascination pour les fibro, les colo, toutes les scopies imaginables. Vous me direz, tout le monde a ses lubies : les monastères, les ashrams et les divans sont encombrés de gens qui cherchent à aller au fond d’eux-mêmes ; lui, il demande la même chose au corps médical, pourquoi pas. Le drame, c’est qu’inventif comme il est, un jour qu’il sera allongé sur son billard vérificateur, ça va forcément lui venir, il trouvera là l’idée de génie qui manque encore à la télé française : la première émission qui interviewe les gens de l’intérieur. Vous voyez le concept : un invité prêt à n’importe quoi pour faire sa promo du jour, un gastro-entérologue un peu télégénique avec son matos pour l’opération, une blonde bien carrossée parce qu’on est chez Ardisson mais qui n’agitera plus que ses mammographies, et allez. Il cherchera son titre « colo-scoopique », « La caméra explore le fond ». Et on comprendra notre malheur : il fallait bien se douter que le goût morbide de cette société pour la transparence allait un jour conduire au pire.

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 29 Sep - 11:32

Les lundis de Delfeil de Ton

Comment tu t’appelles ?


Elle ne s’appelle pas Papon mais elle est petite-fille de Maurice Papon, alors son emploi au ministère des Anciens Combattants est apparu insupportable à des anciens combattants et le ministre l’a priée, ce qu’elle a fait, de présenter sa démission. On se demande quel sens ils donnaient à leur combat, ces anciens combattants.

Le tribunal d’Angoulême siégeait et le juge se masturbait. Cela provoqua quelque émoi mais le juge ayant été déclaré irresponsable, la Justice, ce printemps, ordonna un non-lieu. Voici l’automne et la médecine dit aujourd’hui qu’il peut reprendre son travail. Il faut lui trouver un poste dans la magistrature. Les deux mains posées sur la table, la Justice y réfléchit.

Un prêtre de Besançon, devant les enfants du catéchisme, se promenait sans soutane ni rien et sa nudité, parfois, rendait gloire à Dieu. Les juges, vêtus de leurs robes, l’ont condamné à quatre ans de prison.

Le maire de Bouquet, commune du Gard, s’exhibait sur la plage naturiste de l’Espi-guette, habillé d’un porte-jarretelles et de bas noirs, ce qui indigna un policier hors service qui prenait du bon temps sur cette plage avec son épouse. Les juges, les pieds bien calés dans leurs chaussettes, l’ont privé de ses droits civiques pour un an.

Nouvelle mise en scène du « Tannhäuser » au Grand Théâtre de Genève. Un rôle de minotaure en érection y est tenu par un « hardeur », acteur spécialisé dans l’érection. On aura toujours besoin de la magie du théâtre car si son érection est vraie, le minotaure, lui, est faux.

Dénoncée à la police anglaise par le journal anglais « Daily Mirror » qui a publié des photos sur lesquelles on la voit prendre de la cocaïne, le mannequin Kate Moss voit sa carrière menacée par des ruptures de contrats publicitaires pour des vêtements et des produits de beauté. Les vertueux milieux de la mode et de la publicité ne souhaitent pas, en effet, voir leur réputation ternie par un mannequin qui n’est qu’une droguée.

Le journaliste chinois Zheng Yichun a été condamné à sept ans de prison par le tribunal de Yingkou, dans la province de Liaoning, pour avoir laissé entendre que le Parti communiste chinois n’avait de communiste que le nom, alors que sa condamnation vient justement de prouver le contraire.

Claude Vorilhon, alias Raël, porte plainte contre huit groupes de presse du Québec pour diffamation, dénigrement, atteinte à sa dignité, ainsi qu’à celle de ses disciples, et demande que la Cour interdise tout propos dérisoire ou infâmant concernant la religion raélienne, celle-ci représentant la continuité et l’achèvement du christianisme.

Des godemichets électriques sont mis en vente par une chaîne de pharmacies de Hongkong dans le but proclamé de contribuer à l’épanouissement sexuel de la population du territoire et de contribuer ainsi à une amélioration de la santé publique.

Plus fort que le juge d’Angoulême, qui n’était d’ailleurs qu’assesseur, celui-ci présidait dans l’Oklahoma. Le nôtre y allait de la main, celui-ci avait investi dans du matériel coûteux. Il jugeait un meurtrier lorsqu’il fut surpris en train d’utiliser un objet décrit par la presse de l’Oklahoma comme une « penis pump », une pompe à pénis, ou plutôt une pompe pour pénis puisqu’elle ne pompe pas le pénis mais ce qu’il y a dedans. Le gaillard nie mais la pompe parle pour lui et l’enquête semble avoir démontré qu’il n’en était pas à son coup d’essai. Le procès s’est ouvert ce lundi. Dans les établissements de boissons de l’Oklahoma, beaucoup se marrent. Dans les prisons de l’Oklahoma, d’aucuns ricanent.

Les experts de l’Inserm, après avoir expertisé, annoncent que près d’un adolescent sur dix présente des troubles de conduite. Sans être expert, ne peut-on penser qu’au moins autant d’adultes, sur dix, présentent eux aussi des troubles de conduite et combien vous pariez qu’à l’Inserm soi-même ?

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMer 5 Oct - 14:18

Le saint-pire

La croyance est puérile, elle peut soulager: les méchants finissent toujours par être punis par où ils ont péché. Je pense à un méchant d’un genre particulier, le pape ; je pense à un petit événement qu’il nous prépare et dont je m’étrangle qu’il ait, pour l’heure, suscité si peu de commentaires et d’indignation. C’est un texte à venir que « le Figaro » résumait avec cette brutale franchise: « La prêtrise bientôt interdite aux homosexuels. »
A priori, cela vous semble absurde. Vous pensiez qu’homo ou hétéro tout ce qui était sexe était banni des séminaires. Et pourquoi diable, ajouterez-vous, se mêler de la façon dont le pape veut le régenter ? C’est vrai, il y a déjà tant à dire sur la façon dont il entend régenter la sexualité en général. Songez au « Catéchisme de l’Eglise catholique. Abrégé », qui vient d’être publié en France, un ouvrage dont on dit que l’ex-cardinal Ratzinger le juge comme son grand œuvre et qui est, de fait, à son image, droit sorti d’une sacristie intégriste du xixe siècle. Il est écrit à l’ancienne, en questions et réponses, et souvent les réponses sont aussi sottes que les questions. « Quels sont les principaux péchés contre la chasteté ? », demande la 492. L’adultère, la masturbation, la fornication, la pornographie, la prostitution, le viol, les actes homosexuels, toutes choses qui sont « l’expression du vice et de la luxure ». Tout ça sans hiérarchie, dans la même phrase. Plus loin (502), dans une même condamnation, ces scandales équivalents: le divorce, l’union libre et l’inceste. Pour tous les cardinaux auteurs de cette bêtise, entre un homme ou une femme qui se donne de la joie et un violeur, il n’y a pas de différence, entre un père qui couche avec sa fille et un autre qui ne s’entend plus avec sa femme non plus, c’est bûcher pour tout le monde. On est heureux que ces saints hommes affirment avoir renoncé à toute concupiscence, on ne serait pas rassurés de connaître la vie intime de gens qui ont pareille bouillie dans la tête.
Seulement Mgr Ratzinger, qu’on pourrait désormais appeler le saint-pire, s’apprête donc à aller plus loin: comme hier les marchands du Temple, il entend chasser les homosexuels des séminaires. Tout le monde aura compris les arrière-pensées qui transparaissent dans cette décision. « Le Figaro » les rappelait comme si ce raisonnement était le plus évident du monde: il s’agit de « mettre fin aux scandales sexuels et au désordre du clergé ». Il convient, en ces terrains boueux, d’être simple et droit. La pédophilie, c’est une évidence, est une pratique interdite et inexcusable. C’est une autre évidence, bon nombre des affaires de ce type qui ont éclaboussé l’Eglise universelle mettaient en lumière l’attirance coupable de prêtres pour de jeunes garçons. Et quel rapport avec l’homosexualité ? D’autres procès récents ont montré le rôle terrible de certaines mères dans le viol de leurs propres enfants: cela doit-il nous conduire à mettre en cause la maternité ? Les curés qui violent des garçonnets, c’est abominable. Le serait-ce moins s’il s’agissait de fillettes ?
Bien sûr, il ne faut pas minimiser le lien entre ces tristes affaires et le fait qu’elles touchent des prêtres. Cela aurait pu avoir au moins un aspect positif : contraindre enfin l’Eglise à poser des questions sur les sottises qu’elle raconte depuis deux mille ans sur la sexualité, sur son enseignement de la haine du corps, ses fantasmes de pureté, qui font des ravages sur les esprits faibles. Chez M. XVI, ça a juste servi à ressortir la chasse aux sorcières. Et il la lance avec des méthodes qui répugnent. Aux Etats-Unis, des inspecteurs sont déjà envoyés dans les écoles de prêtres pour « débusquer les homosexuels ». Pas seulement les actes homosexuels. Non, même les « tendances ». Comment les fait-on avouer ? Au fer rouge ? Aux tenailles ? Et les pauvres victimes, tous ces jeunes types qui ont la nature qu’ils ont et qui pensaient naïvement qu’elle ne les empêcherait en rien d’accomplir leur rêve, un rêve digne et beau en soi: devenir de bons prêtres ? Est-ce qu’ils vont enfin comprendre qu’il n’y a rien à attendre, sinon de la haine, d’une telle institution ? Et les séminaristes non homos dont le cœur est juste : auront-ils le courage de rompre avec un système capable de telles méthodes ? Au moins, ça réglera les problèmes du clergé et la crise des vocations. A ce train, dans dix ans, à part un pape et trois vieillards intégristes, les églises seront vides. Elles l’auront bien cherché.

François Reynaert
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMer 12 Oct - 22:21

La cuisine aux peurs

Espérer toujours. Au plus profond de nos angoisses, on trouve encore des raisons de se réjouir. J'y pensais en terminant un des thrillers les plus affolants de cette rentrée littéraire, « Consom-mateurs, attention ! », écrit par la journaliste du « Monde » Florence Amalou. Je parle de thriller, qu'on me comprenne bien. Le but premier de l'ouvrage est moins sombre et tout à fait louable : il s'agit d'aider chacun de nous à s'y retrouver dans cette grande foire aux pigeons qu'est un supermarché de modèle courant. Prenons un exemple d'invention géniale, la lingette. Naïvement, vous croyez qu'il s'agit d'un petit chiffon jetable attrape-poussière. Erreur. Après lecture vous comprenez qu'il s'agit d'un gros concept durable attrape-gogo : par rapport aux technologies traditionnelles (en français, une serpillière et de la javel), la lingette permet de multiplier le budget annuel de nettoyage d'une maison par 16. Je passe sur la douce escroquerie de la plupart des promesses de santé faites par les produits les plus divers, les petites fioles à boire qui sont formidables pour les intestins et encore meilleures pour la cellulite (elles sont bourrées de sucre), l'eau garantie « light » - ça doit être l'inverse de l'eau lourde - ou les sucettes qui ne savent pas quoi faire pour faire oublier qu'elles sont un cauchemar glucidique, et se vendent sous l'étiquette «pauvres en graisse». J'en viens à la multiplication des labels, mon chapitre favori. Vous l'aurez remarqué, aujourd'hui, promener son chariot entre les rayons d'un hyper revient à défiler un 1er-Mai devant l'état-major soviétique : même les boîtes de conserve les plus gâteuses sont couvertes de médailles. La plupart sont surréalistes. Il existe une labellisation qui garantit des oeufs ayant «une coquille» et «l'odeur caractéristique de l'oeuf». Vous me direz à l'heure où la moitié des poulets en vente sentent le poisson, on peut comprendre l'impératif d'odeur. Mais la coquille ? Comment vendre des oeufs sans ? En spray ? J'ai adoré apprendre le fonctionnement de cet étiquetage que vous connaissez sans doute : «élu produit de l'année». Il repose sur la consultation de groupes de consommateurs qui votent sur... ? sur... ? Photo ! C'est extra. Il est comment le nouveau cassoulet ? Euh ? En noir et blanc sur fond bleu.
Reste l'autre aspect moins guilleret d'un ouvrage qui résume ce qu'est devenue la vie du consommateur moyen : un cauchemar. Vous me direz, la plupart des horreurs dont il est question nous sont connues depuis longtemps. Pas toutes. Depuis la crise de la vache folle, et entre deux campagnes contre le fléau de l'obésité, chacun connaît la grande tendance dans l'alimentation : la cuisine aux peurs. Sait-on, en revanche, les dangers qui suintent d'une salle de bains ? Je ne parle pas des explosions de chauffe-eau, des électrocutions à la machine à laver, etc., soyons sérieux. Je parle d'atrocités plus redoutables, par exemple celles qui se nichent dans les crèmes de beauté. Aviez-vous pensé, vous, qu'à force de mettre vos gros doigts dans votre pot d'antirides, vous risquiez de le transformer en salle de muscu pour bactéries ? Non ? Les industriels, oui. Cela les pousse donc à coller dans ces produits des désinfectants. Savez-vous ce que l'on sait maintenant de ces désinfectants ? Que certains sont cancérigènes ! Bingo ! Et que dire du placard à produits ménagers ? Florence Amalou nous apprend que certains aérosols, en chargeant l'air de particules destructrices qui reviennent par les embruns, contribuent à brûler de façon irréversible les pins du littoral méditerranéen. Tu vaporises « Brise de mer » dans la cuisine après les frites, vingt ans plus tard, la réussite est complète, c'est toute la Côte d'Azur qui a fini en graillon. ça fait drôle de le dire à un mois du 11-Novembre. De nos jours, la supérette du coin, c'est notre Verdun : il n'y a plus un rayon qui ne soit miné. Voilà pourquoi, demain soir, les courses terminées, après avoir affronté tant de périls, je vous conseille le geste qui vous remettra d'aplomb. Levez les yeux et cherchez dans les airs nos chers compagnons ailés, les oiseaux. ça vous rappellera l'essentiel : si elles viennent de Sibérie, ces saloperies sont capables de nous rapporter la grippe aviaire. Quelle aubaine ! Grâce à elle, si l'on en croit les spécialistes, dans quelques mois on n'aura plus à se soucier ni des jambons aux phosphates ni des bananes mûries au gaz, on sera tous morts.

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMer 19 Oct - 13:55

Tu l'as velu, tu l'as eu

Futurs parents, je vous en conjure, ayez un peu de décence ! Je sais votre problème, il grossit autant que s'arrondit le joli ventre maternel : comment va-t-on l'appeler ? Je ne minimise pas cette question. Donner un prénom à un gamin, de nos jours, est un cauchemar. C'est comme acheter des nouvelles tongs au début de l'été. On est tout content d'avoir trouvé la paire super-originale qui fera un tabac sur toutes les plages, moyennant quoi il ne faut pas deux semaines pour voir les mêmes aux pieds de tout le monde. Seulement, dans votre égoïsme, avez-vous seulement pensé qu'il y a des cas pires que le vôtre ? Avez-vous pensé par exemple à un pauvre gars rejeté de tous, en ce moment, Georges Frêche. Lui, il a essayé de baptiser une région et ça a tourné à l'horreur également. Sans blague, vous avez suivi cette histoire de Languedoc-Roussillon qu'il voulait appeler la Septimanie, quelle tristesse !
Nous sommes tous d'accord, ce nom était grotesque. Septimanie, au mieux, ça fait désinfectant pour matériel hospitalier, au pis troubles obsessionnels atroces. La nouvelle appellation était censée favoriser le tourisme. Vous auriez eu envie, vous, de passer vos congés dans une région qui a un nom de dépliant de salle d'attente de médecin planqué entre un vieil « Auto Moto » et une brochure contre l'herpès, « la Septimanie, osons en parler » ? De toute façon, personne n'en voulait, même plus Frêche, qui a retiré son projet, et je le regrette sincèrement ; sa Septimanie portait en elle une force trop peu soulignée : son origine historique. En général, en France, pour trouver l'origine des noms de régions rebaptisées, il ne faut pas remonter si loin : il suffit d'aller jusqu'aux malins de l'agence de pub en vogue qui ont réussi à fourguer à prix d'or aux notables du cru les rogatons de noms absurdes qu'ils n'avaient pas réussi à refiler à leurs autres clients de l'agroalimentaire. La région Centre s'appelle maintenant Coeur de France. Quel nom ! On croirait un fromage à pâte molle. Pour une fois, les siècles les plus nombreux avaient été requis : la Septimanie était le nom d'un royaume wisigothique. Et ça, c'est fort. Qui, sinon M. Frêche, a jamais osé dans notre histoire réhabiliter les Wisigoths, ces envahisseurs de l'Empire romain des ive et ve siècles ? Quelles étaient ses arrière-pensées ? Trouve-t-il qu'avec Chiracus-Augustule, toujours au bord d'être trahi par le petit Hun de l'UMP ou par Villebrutus le fils félon, notre Gaule a un faux air de la Rome de la fin ? Entendait-il arriver au congrès du PS au Mans en char à boeufs, suivi de ses troupes pour châtier Hollande, cet Hannibal de sous-préfecture infoutu de dompter ses éléphants ?
Il aurait dû. Gisant sur des fourrures, poilu de partout, Wisigeorges Frêche aurait été dans le coup, il aurait été un parfait ubersexuel. Vous connaissez ? C'est la dernière tendance de la masculinité qui nous est vendue par les publicitaires américains. Non ? Je vous résume, c'est ce qui remplace le métrosexuel. Vous n'en avez jamais entendu parler non plus ? Pour le coup, ça tombe bien, ça ne se fait plus du tout. Je passe sur le fond de ces naseries issues des « agences de tendance » et qui n'ont d'autre intérêt que d'habiller de petits concepts marrants le vent qu'ils vendent cher à leurs clients. En deux mots, le métrosexuel était représenté par David Beckham, le type délicat qui n'hésitait pas à se vernir les ongles de pieds avant de shooter dans un ballon. L'ubersexuel, au contraire, retrouve la virilité qui est en lui, le sens du combat, un peu comme la femme de David Beckham, mais avec des poils sur la poitrine. Peu importe, le point qui m'intéresse, là encore, est juste cette difficulté à donner des noms. Ubersexuel, vous imaginez ! Déjà métrosexuel était douteux. En anglais, cela fait un jeu de mots avec heterosexual. En français, cela semble juste désigner un type qui fait l'amour dans les transports. Avec « übersexuel », on monte d'un cran dans le grotesque. Il paraît qu'en argot américain on dit juste über pour dire super, soit. Mais en français ? Vous imaginez le calvaire que vont vivre les gogos qui croient à ces sottises. D'abord, sur l'air fameux de « tu l'as velu, tu l'as eu », ils vont devoir se coller de la moumoute sur les seins. Mais après ? Vous les imaginez draguer en susurrant aux filles « tu dois être folle de moi, je suis un ubersexuel ». Au mieux les gens croiront à un truc SM, au pis à un remake de « Yaya mein General », fameux succès de Francis Blanche.

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMer 26 Oct - 13:16

Qu'est-ce qu'elle a, ma Gaule ?

Quand les empires écrasent le monde de leur domination inique, que faire d'autre sinon en revenir aux intentions si pures qui parfois les firent naître ? Je sais, cette phrase est incompréhensible, mais, que voulez-vous, j'ai du mal à me remettre d'un choc trop atroce : la sortie du dernier Astérix.
Je ne parle pas de l'album lui-même, à quoi bon se faire du mal ? Il s'appelle « Le ciel lui tombe sur la tête », ce titre est le seul élément sensé de l'ensemble : l'auteur a forcément reçu quelque chose de très lourd sur le coin de la cafetière pour pondre un truc aussi affligeant. Vous connaissez l'histoire, cette fois-ci, le village gaulois est envahi par les soucoupes volantes. J'ai lu ici et là qu'on pensait que par ce choix intersidéral Uderzo entendait se moderniser. C'est une façon de voir. Rappelons que le thème de la soucoupe volante avec extraterrestres fit florès dans les années 1950. Cette fois, des vaisseaux de l'espace sortent deux catégories de créatures : d'une part, des petits êtres très gentils qui portent le nom de Walt Disney avec les lettres dans un autre sens - j'ai oublié lequel, peu importe, même l'anagramme n'est pas drôle ; de l'autre, des clones de Goldorak qui, comme on s'en doute, sont très méchants. Vous voyez l'idée. Dessins animés à l'ancienne versus ces horreurs japonaises qui font tant de mal à nos enfants. Je rappelle que Goldorak est arrivé en France en 1978, que les enfants qu'il est censé avoir traumatisés durablement ont largement l'âge d'être patrons de presse, juges d'instruction ou sénateurs UMP, et qu'à côté d'un débat aussi daté même l'oeuvre complète d'Edwige Antier fait jeune.
D'un autre côté, je me souviens que « la Rose et le Glaive », album publié en 1991, reposait sur deux piliers hilarants, des blagues sur les femmes en pantalon et d'autres sur les femmes au volant. En quatorze ans, Uderzo est donc passé d'une misogynie qui ne faisait déjà plus rire sous René Coty à cette nippophobie qui n'a jamais été drôle, même sous Cresson. C'est un progrès. Avec un peu de chance, dans quelques albums, le barde, rebaptisé Anticommunix, fera des imitations désopilantes de Georges Marchais, puis les Gaulois feront de l'aérobix avec Véronix et Davinax, et on pourra enfin en venir à des préoccupations vraiment contemporaines : est-ce que Chiracus va vaincre Balladurix à la présidentielle ?
Je le répète, à quoi bon insister sur tout cela ? Cet album est consternant, dans un sens, on est heureux que l'immense Goscinny soit mort avant d'avoir vu ça, mais, après tout, ce n'est ni le premier ni le dernier mauvais livre de l'année. Le problème est que, si l'on en croit les spécialistes, il est déjà assuré d'être celui qui se vendra le plus. Le voilà, le drame. En tant qu'auteur, Uderzo est resté coincé quelque part dans la ringardise des années 1960 ; en tant qu'éditeur, il a compris les leçons de la pire modernité. Son Astérix, maintenant, c'est du poulet en batterie ; à part la carcasse et les deux plumes qu'on a laissées autour pour tromper le chaland, il n'a plus rien à voir avec la volaille qu'il prétend être. Et quelle importance, placé en tas dans tous les hypermarchés, il se vend dix fois mieux ! Il est vrai qu'on y a mis les moyens. Il paraît que depuis le mois de septembre cette pauvre Belgique a été réquisitionnée au service de l'astérixo-marketing, le Manneken-Pis lui-même a été déguisé en Obélix. Notez, ça, c'est plutôt drôle, cette statue est mondialement célèbre pour le petit silex qui lui pend devant, la voir avec un gros menhir derrière doit être un vrai changement. Les pires ressources du merchandising ont été mises à profit, jusqu'à cette volonté de garder le « secret » sur l'album jusqu'à sa mise en vente. Vous voyez l'idée : il s'agissait d'éviter à la critique de faire son métier. Depuis, dans tous les journaux, en Belgique, en France, au Canada, elle l'a fait. Trop tard, le coup est parti, les piles étaient mises en place, les pauvres gens pouvaient se faire plumer et nous autres en sommes réduits à rêver en silence aux aventures premières du petit Gaulois à casque ailé qui fit frémir notre enfance : c'est sûr, il doit bien exister quelque part dans ce monde une potion magique qui nous aidera à vaincre cette plaie du temps, les légions du marketing et du profit, mais quel druide nous en indiquera la recette ?

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMer 2 Nov - 13:07

Poulet flip

Amis Français, et vous canards gras, dindons labellisés, pintades fermières qui me lisez, je vous le dis : gardez votre sang-froid, tout espoir n'est pas perdu. Je sais, ce n'est pas facile en ce moment, cette terrible psychose de la grippe aviaire est alimentée chaque jour un peu plus par un combustible très efficace pour coller la trouille à chacun : les appels à garder son calme. On a vu ça à l'oeuvre avec cette pauvre filière volaille. Vous avez remarqué à quel moment les ventes de poulets ont commencé à chuter dramatiquement ? Dès que les experts ont martelé huit fois par jour qu'il n'y avait aucun risque à manger du poulet. Notez, je comprends le mécanisme psychologique, rien n'est plus anxiogène que les gens qui veulent vous rassurer. C'est le syndrome de la première rentrée en maternelle. Vous vous souvenez ? Sur le chemin, gaillard et sifflotant, vous ne pensiez à rien qu'à jouer au précipice sur le bord du caniveau, votre petite main serrée dans la grosse main rassurante de maman ou papa, apaisé par leurs douces paroles : « Tu verras, mon Poulou, c'est super, l'école ! » Dix minutes plus tard, votre petite mimine ne serrait plus qu'une grosse serpillière moite, et la douzième répétition de cette même phrase susurrée d'une voix étranglée instillait dans votre esprit une seule nécessité : réussir à choper le numéro de SOS-Enfance en danger avant d'avoir atteint leur Guantanamo à petites sections. C'est pareil avec le poulet. Depuis deux ou trois semaines, les spécialistes les plus éminents l'ont répété, le virus meurt à 70° C, le parc français est parfaitement sain, toutes les mesures de sécurité ont été prises. Toutes ces informations sont parfaitement exactes, leur impact a dépassé les espérances : effondrement de la filière en deux semaines. Exactement le même phénomène qu'avec le tabac, mais à l'envers. Pendant des années, plus on démontrait les dangers du tabac, plus le nombre de fumeurs croissait, sur l'air bravache d'« ils vont pas nous emmerder, il faut bien mourir un jour ». Notez-le par parenthèse, maintenant, on dit aux mêmes qu'ils vont peut-être mourir dans un mois et plus personne n'est d'accord : les gens ne sont jamais contents. On devrait inverser les campagnes. Devant les tabacs, on placerait des haut-parleurs diffusant des appels au calme : « Fumez tranquille, la situation est sous contrôle, les cigarettes françaises ne présentent aucun risque », et on verrait les fumeurs affolés balancer leurs paquets de gitanes dans les égouts en se frictionnant les mains à l'eau de Javel. Tandis qu'on réserverait un traitement de choc à l'aviculture : hausse massive du prix de vente, interdiction de vente de volailles aux mineurs, organisation de « zones poulet » et « zones non poulet » dans les établissements publics, ça ne raterait pas, en six mois, on verrait le public braver le froid et la pluie pour sucer leurs chicken wings devant les bureaux, à toutes les pauses.
Je badine, mais je viens d'entendre que les professionnels ont cru trouver la parade absolue à leurs déboires : ils sortent un label tricolore d'authentique cocotte française. C'est toujours le réflexe, je le trouve idiot aussi. Sortir le bleu-blanc-rouge, cela fait toujours venir des souvenirs navrants. On se dit, aïe ! dans quinze jours, on imposera à toutes les volailles mobilisées de se coller des bandes molletières sur leurs cuisses de dinde, on fera une ligne avec tous nos élevages en batterie pour protéger nos frontières de l'Est et, dès qu'on entendra Chirac jurer : « La route de l'aviaire est coupée », on saura qu'on est cuit, il ne faudra pas quinze jours pour revoir sur les Champs-Elysées des canards défilant au pas de l'oie.
Sans rire, ne cédez pas à je ne sais quel obscurantisme venu du fond des âges, dans cette affaire grave, faites marcher votre raison ! Songez une minute à ce qui s'est passé ces dernières années. Est-ce qu'aucune des catastrophes prévues a jamais eu lieu ? Non. A la place on en a eu d'autres qui ont surpris tout le monde. En 1999, on attendait le bogue de l'an 2000, on a eu la tempête. En 2003, on attendait un été pourri, on a eu les morts de la canicule. L'an dernier, on attendait le sras, on a eu le tsunami. Pourquoi voulez-vous que cela change ? N'ayez aucune crainte de la grippe aviaire. Tous les experts l'attendent, c'est donc la preuve irréfutable que, dans les six mois, elle sera balayée par un cataclysme dix fois pire que personne n'avait prévu.

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyJeu 10 Nov - 10:37

Le bon temps des années fioles

Avec son blouson de cuir rouge rembourré aux épaules façon Jean-Claude Jitrois, Robert d'Artois à l'air de sortir d'une boum chez Johnny en 1985 et Mahaut de Bourgogne prépare ses complots dans un manoir « d'inspiration aztèque » deux siècles avant la découverte des civilisations précolombiennes. Malet et Isaac, pardonnez-leur ! ils ne savent plus ce qu'ils font.
Je sais. Depuis le début de la diffusion, lundi sur France 2, de cette fameuse nouvelle version des « Rois maudits », je me doute bien de ce que nombre de citoyens de ce pays doivent penser : le seul point positif de l'affaire, c'est que cette pauvre dynastie capétienne se soit éteinte avant d'avoir vu ça. Après ce qu'ils ont souffert en mille ans d'histoire, leur faire subir en plus la série de Josée Dayan tournée dans les impayables décors de Philippe Druillet, ça friserait l'acharnement. Pourtant, je vous l'avoue, cet étonnant remake, personnellement, je l'ai trouvé très bienvenu.
D'accord, la version historique de Claude Barma était plus pédagogique. Grâce à la fameuse touche « Buttes-Chaumont » du tournage, grâce au casting entièrement raflé à la Comédie-Française, les enfants de France de 1972 eurent une idée claire de ce qu'était le Moyen Age : une époque où on articulait des textes pleins d'imparfait du subjonctif dans des décors à petits budgets. Maintenant que ceux de 2005 ont découvert les grands du royaume déguisés en figurants de jeu vidéo heroic fantasy, ils pourront situer encore plus précisément les prémices de la guerre de Cent Ans : quelque part entre l'arrivée du « Seigneur des anneaux » et le dernier épisode de « Star Trek». Je blague. Les dialogues sonnent toujours très vrais. Ils ont été supervisés par Maurice Druon lui-même, un homme qui connaît le parler d'époque. Il suffit d'ailleurs de lire n'importe quel éditorial de l'académicien dans « le Figaro» pour savoir qu'il n'a pas grand mérite à connaître aussi bien le Moyen Age : il en vient. Et surtout, une fois passé le premier fou rire, on bénit cette ambiance de SF de seconde zone parce qu'en déréalisant le propos elle évite qu'on y projette trop aisément nos préoccupations contemporaines, et ça, c'est un grand service à rendre à beaucoup de gens.
J'exagère un peu, bien sûr. Bien des choses ont changé dans le royaume depuis le XIVe siècle. Sous Philippe le Bel, les caisses sont vides et les Templiers sont riches, donc le roi les fait arrêter pour leur piquer leurs sous. Sous Villepin le Bref, les caisses sont vides également, mais le gouvernement ne prend pas d'argent aux riches : il vient de faire baisser l'impôt sur la fortune pour leur en donner encore plus. Sous Philippe le Bel, papes, princes et puissants tremblent parce que le sombre fantôme de Jacques de Molay, le grand maître du Temple, injustement brûlé, vient hanter leur mauvaise conscience ravagée par la peur. Aujour-d'hui, le seul fantôme qu'on ait à se cogner de temps à autre, c'est le vieux Giscard, qui balance une interview pour expliquer à quel point les gens sont des cons de ne pas écouter ce qu'il dit. Songez aussi à ces tristes affaires de la tour de Nesle, ces coucheries, ces tromperies qui alimentaient la vie de la cour. C'est impensable aujourd'hui. Qui de nos jours oserait alimenter la chronique en narrant, je dis ça au hasard, les mésaventures conjugales de tel prétendant au trône, quitté par exemple par une épouse partie festoyer en terre lointaine avec un graveur d'enseigne et ragaillardi bientôt d'avoir retrouvé nouvel amour avec une gazetière ? Qui ? Personne. On aurait bien trop peur de se faire coller un procès diligenté par la Place-Beauvau puisque - que ce soit entendu une fois pour toutes - de la vie privé de M. Sarkozy, on ne parle plus ! Tant de choses ont changé, seulement il reste l'essentiel : la lutte pour le pouvoir. Je sais, c'est une constante, nulle période de l'histoire n'y aura échappé. Mais les techniques ont varié. En 1310-1320, pour régler le compte de ses rivaux, on avait encore la main : et je te fais brûler vif en place de Grève, et je t'écartèle avec quatre chevaux, et je t'empoisonne ton pinard - c'était le bon temps des années fioles. Aujourd'hui, voyez à quoi on en est réduit : faire voter des militants. Vous imaginez la tristesse, pour ces pauvres dirigeants socialistes, hommes de progrès, s'ils avaient clairement réalisé cette semaine à quel point, dans certains domaines, les technologies ont périclité.

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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMer 16 Nov - 12:39

Mémoires d'outre-tontombe

Comment, parfois, ne pas mettre sous le boisseau l'exaspération que peut nous causer tel phénomène social quand on sait le bien qu'il peut faire à d'autres ? Voyez ce que cette époque sinistre nous prépare. Les chrysanthèmes 2005 ne sont pas encore fânés qu'on nous fourgue sitôt le grand revenant 2006 : Mitterrand-dix-ans-déjà, coincé entre Le Luron, vingt ans bientôt, et Mozart, 250 à venir, Mitterrand fantôme II, en quelque sorte, dont l'éternel retour, comment le nier, a aussi de bons côtés.
Il faut être juste, les pires épreuves qu'on aura à subir ne sont pas encore certaines. On échappe pour l'heure au troisième livre que M. Benhamou bidouillera sans doute avec les quatre promenades que lui a accordées l'ancien roi du champ de marche. Avec les mêmes il en a déjà fait deux, un pour raconter à quel point ce grand homme était admirable, un deuxième pour raconter qu'en fait ce sinistre personnage était un vilain collabo, il pourrait en faire un troisième qui nous livrât toute la vérité : ce pauvre Mitterrand articulait tellement mal qu'avec le vent qu'il y avait dans ce foutu parc, l'auteur n'a jamais été fichu de comprendre un mot de ce qu'il disait donc il continue à raconter n'importe quoi. Grâce au ciel (pigeon ascendant gogo), on n'annonce aucune nouvelle daube d'Elizabeth Teissier sur un sujet qu'elle maîtrise pourtant bien : quand il s'agit de l'avenir, elle se plante toujours, pour inventer le passé, elle a un vrai don. En revanche, on apprend par voie de presse que la commémoration donnera l'occasion à Louis Mexandeau de publier son histoire et ça, c'est dur : pensez à tous ces pauvres gens qui auront à lire ses Mémoires alors qu'ils ne sont même pas fichus de se souvenir qui c'est.
Pour l'instant, les ouvrages publiés sont plutôt de bonne facture, si j'en juge par les extraits que j'en ai lus dans les journaux. Il y a donc le livre de M. Attali (« C'était Mitterrand », Fayard), qui, après le millier de pages de ses trois « Verbatim », livre 500 pages de confidences inédites faites par l'ancien président, nous révélant un point méconnu de la personnalité du chef de l'Etat : il était d'un bavard, le vieux ! Il y a celui de nos consoeurs Ariane Chemin et Géraldine Catalano. Contrairement au précédent, elles n'ont jamais eu l'oreille du chef de l'Etat, elles se sont donc rabattues sur le reste. Elles sont allées voir comment il gérait une de ses multiples vies privées (« Une famille au secret : le président, Anne et Mazarine »). Les deux livres semblent fort intéressants, même s'il est un peu périlleux de les lire à la suite. C'est le problème avec les confidences authentiques, elles sont comme le véritable morceau de mouchoir de sainte Marie Madeleine du pied de la Croix, tout le monde a les siennes. Prenez le fameux cancer de l'ancien chef de l'Etat. M. Attali affirme qu'il était seul à être au courant, avec Bérégovoy et Rousselet. Ses consoeurs jurent que la seule à être informée était Anne Pingeot. Nous en sommes déjà à quatre pour un seul secret. Ajoutez la paire de médecins qui avaient fait les examens, évidemment, Jean-Edern Hallier, hélas, la droite entière qui faisait ses gorges chaudes des malheurs de son ennemi et vous vous retrouvez comme moi à comprendre enfin, vingt ans plus tard, quelle était notre véritable mission à vous et moi, le peuple : il fallait bien qu'il reste au moins une paire de gogos pour croire aux mensonges de l'Etat, sinon à quoi bon en faire ?
Non, je n'aime pas les commémorations, pourtant, je vous l'avoue, celle-là a un bon côté. Vous avez senti déjà la tonalité générale qui va en ressortir, c'est souvent comme ça avec les gloires anciennes : on en a dit tant de mal mais, finalement, quel grand homme ce Mitterrand ! D'un point de vue politique, je trouve ça affligeant : être de gauche, c'est rêver de lendemains qui chantent, pas se retourner sur les hiers qui reniflent. Mais d'un point de vue humain, comment nier le bien que tout cela peut faire à certains. Je pense à ce pauvre Chirac. Je sais, lui aussi est enterré depuis dix ans. Seulement, il est enterré vivant, et c'est à l'Elysée, où, méprisé par chacun, boudé par l'actualité, doublé par ses dauphins trop occupés à se bouffer entre eux, il souffre en silence. Eh bien, donnons-lui ce message d'espoir : pense à François, Jacques... Pour lui non plus, vivant, ça n'a pas été facile, mais tu verras, ce sera pareil pour toi, dès que tu seras mort, on te fera un triomphe !

François Reynaert
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyMer 23 Nov - 13:14

Les nantis et les méchants

Comme vous, je déteste toute stigmatisation à l'égard de catégories de gens qui, quoi qu'en disent certains, sont quand même nos concitoyens. Je veux bien entendre aussi que leur vie dans ces banlieues sinistres n'a pas été facile, je sais aussi qu'un exil est toujours douloureux, mais je vous le dis tout net, parfois il m'arrive d'avoir des sentiments un peu tranchés envers une catégorie particulière d'antisociaux : les riches qui quittent la France pour échapper à l'ISF. Il y en a de plus en plus, si j'en crois l'ouvrage que Philippe Alexandre et Béatrix de l'Aulnoit ont consacré à cette grande cause humanitaire trop souvent ignorée.
Je passe sur la thèse générale, elle est gaie comme une page Courrier des lecteurs du « Revenu français » un jour de tiers provisionnel. L'ouvrage s'appelle « Trop d'impôts tue l'emploi ». On dirait un gimmick d'université d'été du Medef. C'est un rapprochement fautif : jamais le patronat n'oserait être aussi réac que ce bouquin. Cela dit, on ne sort pas indemne de sa lecture. Quelques déontologues pointilleux s'étonneront que l'on présente comme une enquête une enfilade de témoignages livrés sans aucun contrepoint de vue, et quasiment tous anonymes, donc invérifiables. Le procédé est pédagogique. Avant je n'avais aucune idée de savoir dans quel sens réformer l'impôt sur la fortune. Maintenant je sais. Un mouchoir Hermès dans une main, une déclaration de patrimoine dans l'autre, j'ai bu cette vallée de larmes sur 300 pages noyée sous les souffrances de pauvres gens poussés aux pires extrémités, comme d'avoir à vendre leurs villas au bord de la mer et leur duplex avenue Foch pour fuir dans des pays où on ne trouve même pas un club de golf digne de ce nom, et j'ai désormais une idée claire de la façon dont on peut rendre cette contribution plus humaine. Il faut en multiplier le taux par 10 ou 20. Ça a l'air d'être un tel supplice d'être riche qu'il est un devoir social d'aider ces gens à l'être moins.
Je n'entre pas non plus dans le détail des récits des émigrations eux-mêmes, encore qu'ils puissent être irrésistibles. A quels périls l'ailleurs nous confronte-t-il en effet ? A Marrakech, la chaleur est si intenable l'été qu'on est obligé d'avoir une autre maison au bord de la mer. En Suisse, le taxi est hors de prix. En Belgique, le pain fait des miettes et la moitié de la population est composée de Flamands, dont on sait, depuis la page 54, qu'ils «n'ont pas cette finesse qui constitue le charme français». En revanche, les Berbères de la page 125, qu'on emploie comme gardiens de villa «pour un prix dérisoire», ont eux «une intégrité à toute épreuve», ça compense. Les auteurs ayant dû limiter leurs investigations aux pays les plus proches, on ne sait toujours pas si les Africains noirs ont oui ou non le rythme dans le sang, ce sera pour le prochain tome. Mais on a donc appris au passage un avantage supplémentaire de l'émigration fiscale : ça permet de perdre beaucoup moins en impôt et de gagner encore plus en connerie.
Et qu'importe, disais-je, ce qui frappe particulièrement dans ce livre, c'est le moment choisi pour sa sortie. Je ne pense pas qu'il y ait là le moindre plan média prémédité. Profiter de ce que l'on parle pendant un mois des drames de la banlieue pour glisser un bouquin sur le désespoir de Saint-Germain-en-Laye, c'est audacieux mais difficile à mettre en oeuvre. De fait, on ne peut pas s'empêcher de faire des rappro-chements. D'accord, il ne faut pas tout confondre. Les jeunes crament des bagnoles, les riches ne flambent que du pognon. Les jeunes se cachent derrière des cagoules. Les riches du bouquin se planquent derrière des initiales. Les jeunes ont souvent des papas et des mamans qui viennent d'Afrique. Les riches qui s'y installent y emploient la cousine de leur ancienne femme de ménage, et je vais te dire, ma chérie, à 1 euro par jour (chiffre en page 122), on aurait tort de s'en priver. Je sais, il ne faut pas tout confondre. Les mauvais comportements des uns n'excusent pas les mauvais comportements des autres. Simplement, depuis un mois, on parle beaucoup de l'incivilité de gamins paumés coincés dans leur misère culturelle, sociale et morale, on ose parfois même jusqu'à émettre des doutes sur leur citoyenneté parce qu'ils ne se prénomment ni Jean-Patrick ni Marie-Blanche. Et personne ne parle de l'incivilité de gens qui trouvent normal de soustraire à leur pays l'effort de solidarité minimal qu'ils lui doivent. C'est dommage. Parfois je me dis que, parmi les uns et les autres, les plus mauvais Français ne sont pas ceux qu'on croit.

François Reynaert
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MessageSujet: Re: CHRONIQUES   CHRONIQUES - Page 2 EmptyVen 2 Déc - 8:12

L'ex purgée

Résumons. Aux Etats-Unis, pour énerver le pouvoir, il faut au moins le « Washington Post » ; en Grande-Bretagne, il faut la BBC ; en France, on vient de l'apprendre, une chef de service à « Gala » suffit. Au XVIIIe siècle, on censurait Voltaire, au XIXe, « les Fleurs du mal », aujourd'hui, c'est « Cécilia Sarkozy, entre le coeur et la raison », une aimable naserie sur l'ex du ministre de l'Intérieur - et on s'étonne après que les élèves soient nuls en Lettres. Partout au monde, enfin, les puissants trouvent les moyens les plus retors pour interdire la liberté d'expression à des âmes vaillantes qui se battent jusqu'à la mort pour la faire triompher. Ici, quand un livre déplaît à un prince, il convoque l'éditeur et celui-ci le retire, dans l'indifférence de ses pairs et le concert de bâillements de l'opinion publique.
A priori, nous en serons d'accord, cette affaire de la biographie de la future ancienne femme de M. Sarkozy, pilonnée par son propre éditeur parce qu'il a été sifflé par le ministre, est le genre d'événement qui pousserait un esprit rationnel à songer à demander l'asile politique à la Corée du Nord.
D'accord, je simplifie, les détails de l'histoire sont un poil plus complexes. M. Sarkozy n'estime avoir commis aucune oeuvre de censure contre un ouvrage qui déplaît à sa femme. Il prétend simplement défendre sa vie privée, un domaine qu'il connaît bien, il est vrai : ça fait des années qu'il la rend publique. Par ailleurs, il n'a pas interdit quoi que ce soit, il a juste cherché à faire une aimable pression sur son interlocuteur pour qu'il comprenne son point de vue. On voit l'idée de l'aimable pression dans les locaux du ministère de la police. N'exagérons pas. Je n'imagine pas le patron de l'UMP en bretelles, dans le rôle du flic cool, tendant une clope au pauvre éditeur ligoté tout nu sur une chaise en disant « allez, fais pas le mariole, tu signes là et tout est terminé », pendant que M. Hortefeux, dans le rôle du méchant, finissait de taper dessus avec l'annuaire du Syndicat national de la Librairie. Non, le ministre a dû présenter sa requête avec le sens de la diplomatie qui fait sa légende : « Soit tu retires ta saloperie sur ma femme, soit t'es mort jusqu'en 2012. » Et l'éditeur a obtempéré parce qu'il avait de solides raisons de le faire. Comme l'a confié son entourage, « il faut le comprendre, il est difficile de se mettre mal avec un présidentiable ». On sent une déontologie à l'oeuvre.
D'accord, l'indifférence étonnante que suscite pour l'heure cette affaire a aussi ses raisons. Comment l'ignorer : le contexte culturel de l'ensemble entrave un peu les velléités de lutte. Aux dires de son auteur lui-même, le livre a peu de rapport avec un brûlot subversif. L'éditeur lui-même tranche un peu, il s'agit de la maison First, dont le site internet nous annonce qu'un des derniers titres un peu chocs est « le Petit Livre des soupes santé et minceur ». Ça distancie. Vous vous voyez manifester devant la Place-Beauvau en brandissant des poireaux bâillonnés par solidarité avec un bouquin qui vous aurait consterné s'il était sorti ? Notez que le slogan « Libérez les potages » aurait l'avantage d'être amusant. Mais faut-il encore s'amuser au stade où nous en sommes ?
Posée dans sa brutalité, l'affaire en effet est effarante. Voilà donc où en est ce pays en 2005. Un ministre y réussit donc (pour l'instant) à bloquer un livre parce que son ex, qui y avait collaboré au départ, a finalement estimé que « comme des passages lui avaient déplu », elle avait jugé bon de « l'appeler au secours ». On ose espérer qu'elle a le jugement plus sûr dans le reste de ses activités. Vous imaginez qu'elle fasse la même chose un jour de shopping à Manhattan après une engueulade avec un commerçant américain. Ce serait un coup à pousser Nico, bon coeur comme il est, à planter le prochain cycle mondial de négociations à l'OMC.
Mesure-t-on aussi, enfin, quelle précieuse leçon cette triste affaire nous apporte sur un plateau. Cela fait des années qu'ici et là on se tue à écrire qu'il faut arrêter de considérer toutes ces histoires de people avec condescendance. Non, elles ne sont pas de gentilles frivolités étalées sur les pages glacées de gentils journaux qui ne cherchent qu'à détendre les gens. En politique ou dans le show-biz, elles sont toujours des instruments de propagande au service des puissants. Le people, c'est toujours du pipeau. On ne savait plus comment le dire. M. Sarkozy, avec ce sens de la pédagogie qui n'est qu'à lui, vient d'en faire une démonstration éclatante.

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