Paris-Tokyo en courant: l'exploit phénoménal du quinqua Serge Girard
Par Mié KOHIYAMA
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TOKYO (AFP) - "Je suis l'homme le plus heureux": après 260 jours d'efforts, Serge Girard, un coureur français de 52 ans, a bouclé mardi une traversée de Paris à Tokyo, battant le record du monde de la course à pied la plus longue sans s'accorder un seul jour de repos.
Parti de Paris le 18 décembre dernier, le Français a terminé sa course en début d'après-midi devant un hôtel de Tokyo, après avoir parcouru 19.097 kilomètres en 260 jours et près de 18 heures.
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Il a battu le record mondial détenu par l'Australien Gary Parson, lequel avait parcouru il y a six ans dans son pays 19.030 km sans repos en 276 jours.
Serge Girard, ancien conseiller financier chez l'assureur français AGF, devient le seul athlète à avoir traversé tous les continents, un "exploit" immédiatement salué par le président Jacques Chirac qui lui a adressé un message de félicitations.
Les traits tirés, filiforme (il a perdu 10 kilos) mais tout sourire, le coureur a été salué par une dizaine de proches à son arrivée. Il a brandi les bras vers le ciel en signe du V de la victoire avant de serrer ses trois fils dans les bras.
"La première chose finalement c'est une grande joie parce que c'est vrai que c'est un défi incroyable", fruit des efforts de toute une équipe, a déclaré le coureur aux journalistes.
"Et puis il y a un sentiment de tristesse parce que c'est une aventure humaine fabuleuse qui se termine", a-t-il ajouté.
Au cours de son périple, Serge Girard a traversé 19 pays en parcourant une moyenne de 73 km par jour, soit 10 heures d'efforts quotidiens.
Réveillé chaque jour dès potron-minet (souvent après trois heures), il commençait à courir vers 4 heures du matin et était ravitaillé toutes les 45 minutes par une équipe qui le suivait en voiture, dont faisait partie son épouse Laure Magnan, 34 ans.
"Serge mangeait en marchant car la course est incompatible avec la digestion", a-t-elle raconté ajoutant que leurs conversations intimes au cours des derniers mois se déroulaient souvent "en marchant".
Le fait de ne pas s'arrêter de courir un seul jour, tout en dormant normalement, était la condition pour l'homologation officielle de ce record, a-t-elle expliqué.
"Serge n'a cessé de me surprendre par sa ténacité. Il ne s'est jamais plaint", a témoigné Mme Magnan.
Les images filmées par son équipe au Japon le montrent courbé, effectuant de régulières petites foulées sur le bitume et sous un soleil de plomb.
Evitant de s'étendre sur les douleurs physiques, le Havrais a évoqué "la transhumance des abeilles en Chine", dont les ruches sont transportées chaque année par camion d'est en ouest du gigantesque pays pour leur épargner la mousson, comme le moment le plus pénible de sa course.
"Pendant trois semaines, les abeilles venaient sur nous. On ne l'avait pas prévu et cela a été très difficile", a-t-il raconté.
Certains "pensent que je suis fou, mais pour quelqu'un qui coure 19.000 km, j'ai bien les pieds sur terre", a assuré ce quinquagénaire qui n'a suivi "aucun régime draconien".
Sa motivation principale ? "L'ivresse de l'effort", "la fatigue" qui "font voir les choses différemment, multiplient la beauté des rencontres et des paysages par mille".
"Je ne pourrai pas refaire le même parcours en voiture", a-t-il assuré.
Sans renier sa joie, il a confié qu'il vivait aussi la fin de cette course comme "son moment le plus dur".
"La vie de nomade va s'arrêter. Je vais retourner à la vie normale, retrouver le poste de télévision et les factures", a-t-il déclaré en évoquant son besoin de fuire le "modernisme".
Serge Girard, qui n'a "pas de limite", selon un de ses fils, a déjà son prochain défi en tête: devenir le premier coureur à faire le tour du monde sans repos en partant du Japon.
"Je connais déjà le parcours, Tokyo, Osaka, Los Angeles, New York, Londres Paris, Moscou, Vladivostok, Sapporo et Tokyo. C'est tout juste 24.000 kilomètres", a-t-il plaisanté provoquant les rires des journalistes.