"Elle est mortelle la rue": le combat de "Clocheman", un clochard en grève
PARIS (AFP) - "Elle est mortelle la rue" où vit depuis 30 ans Jean-Paul Fantou alias "Clocheman", comme des milliers d'autres à Paris ou ailleurs, au nom desquels il a entamé mardi son 33e jour de grève de la faim pour qu'on trouve une solution à cette misère.
"Par solidarité pour les copains qui se les caillent depuis le 15 mars", lorsqu'ont commencé les fermetures estivales des refuges pour SDF, Jean-Paul, 53 ans, a quitté l'hôtel où il était logé pour s'installer sous un abribus devant l'opéra Bastille à Paris.
Là, dans sa cabane de verre tapissée d'écriteaux, de textes et de poèmes, celui qui se fait appeler "Clocheman" poursuit un combat lancé en 2002, date de sa première grève de la faim. "Dans la rue, on crève, dans la rue, on se bagarre, parfois juste pour une cigarette, dans la rue on se drogue, on boit", confie Jean-Paul qui est tombé dedans à 17 ans, après une enfance à la DASS.
"Pour nous sortir de là, il faut nous parler, mais on ne parle pas aux exclus, on parle aux assistants sociaux, mais eux ne savent pas vraiment ce que c'est la rue." Alors "Clocheman" a décidé de parler, d'écrire même, un livre paru en octobre dernier (Clocheman, témoignage sur 30 ans de vie d'errance, Presses de la Renaissance) où il raconte son histoire et réclame notamment des refuges ouverts toute l'année, et un encadrement complet avec psychologues, alcoologues et formateurs.
Jean-Paul avait osé franchir les portes du Salon du Livre il y a deux ans. Son histoire avait touché Victor Loupan, responsable de la maison d'édition qui avait décidé de publier son manuscrit.
Le livre, paru à 10.000 exemplaires, dont 80% ont été vendus, a suscité "plein d'espoir", mais pour arracher des mesures concrètes, comme un local pour son association "Bannissons l'exclusion" - qui n'a pas encore pu déposer ses statuts -, Jean-Paul est décidé à ne pas "lâcher l'affaire".
Dans son abri de fortune, il s'est organisé un véritable bureau de presse où journalistes et curieux peuvent consulter son "book" --des articles sur lui--, lire son communiqué, consulter son livre, s'informer sur son site internet (
www.clocheman.com), ou demander son numéro de portable.
C'est Mauro Torta, un ami habitant le quartier, qui gère ce site et l'a installé. Il passe régulièrement lui donner des nouvelles des visiteurs qui le fréquentent: "600 lundi", selon Mauro.
Jean-Paul est le porte-parole de la rue, qu'il connaît "par coeur": celle d'Amsterdam où il a pris "du crack", de Milan et de Bruxelles où il a pris de "la came", mais surtout de Paris, où il a "tout pris, tout vécu".
Clocheman a eu sept ans de répit, le temps d'un mariage, qui a fait naufrage. Il a laissé une fille, Elisabeth, dont il était sans nouvelles jusqu'à la parution du livre. "Elle m'a appelé, elle m'a dit qu'elle m'aimait, mais que c'était un peu tôt pour se voir. Pour moi aussi, mais bientôt je pourrai l'embrasser sans honte".
Accueil 
