La LDH dénonce des "dérives des politiques publiques" en France
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PARIS (AFP) - La Ligue des droits de l'Homme (LDH) met en garde contre "la régression" des droits en France et des "dérives des politiques publiques", à un an de l'élection présidentielle en 2007, dans son rapport 2005 présenté jeudi à Paris.
Dans son rapport, la LDH passe en revue les événements qui l'ont interpellée en 2005 et publie également un dossier sur les droits des femmes.
L'inquiétude majeure, au coeur du rapport, est la "dérive sécuritaire", attribuée au ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, dont la LDH dit craindre les ambitions politiques pour 2007.
"Le changement de gouvernement intervenu en juin a aggravé les dérives sécuritaires et xénophobes qui tentent trop de dirigeants et de forces politiques dans ce pays", écrit le président de la Ligue Jean-Pierre Dubois. "En particulier le retour au ministère de l'Intérieur d'un candidat permanent à l'élection présidentielle (...) a accéléré l'application d'orientations inacceptables aussi bien sur le plan de la politique de l'immigration que dans la mise en scène de la gestion policière des quartiers populaires et des banlieues", poursuit-il.
La crise dans les banlieues en novembre 2005 est l'un des révélateurs majeurs de ces "dérives" selon la LDH.
Lors des violences urbaines de 2005, "des peines très lourdes" ont été infligées, alors que 60% des prévenus n'avaient jamais été condamnés: "2.787 personnes interpellées, plus de 600 incarcérées", dénonce la LDH. Les sanctions ont concerné surtout des jeunes de 16 à 25 ans issus de l'immigration, souligne la Ligue.
Outre la "violence judiciaire", "chacun peut apprécier la violence symbolique du recours non nécessaire à l'état d'urgence, c'est-à-dire à une forme d'état d'exception qui renvoie à la guerre d'Algérie et à l'affaire d'Ouvéa", poursuit la LDH.
Le "tout sécuritaire" se lit aussi dans les réformes du gouvernement. Et de citer le programme Identité nationale électronique et sécurisée (INES), qui doit être présenté au Parlement en juin. Il équivaut, selon la Ligue, à la "mise en place d'un outil de surveillance généralisée de toute la population et place la société française sous la mainmise de la police comme jamais auparavant".
La justice contribue à cette évolution, estime la LDH: au 1er décembre 2005, sur 59.241 personnes incarcérées en France, 21.033 étaient présumés innocentes, en détention provisoire. Le nombre de places dans les prisons est passé à 51.195 contre 49.601 en 2004, et la population des mineurs détenus à 808 contre 637, précise le rapport.
Premières victimes de cette politique: les étrangers et les sans-papiers dont "la traque a pris une ampleur et un rythme réellement sans précédent", estime la LDH.
La Ligue s'inquiète, par ailleurs, de l'extension de la précarisation en général en France. A commencer par le "déficit structurel de logements": plus de trois millions de sans-logis et mal-logés. Il faudrait construire environ 300.000 logements de plus par an, selon elle.
La LDH déplore aussi la "déstabilisation du système de protection sociale" et le manque de réformes adaptées pour lutter contre le chômage. Elle regrette notamment la création du Contrat nouvelle embauche (CNE) qui remet en cause le contrat à durée indéterminée, "seul statut juridique réellement protecteur du salarié".